BD, Tome III, Découvertes archéologiques au pied du mont d’Isoure, emplacement présumé de Fluriacus et de Maceriae, communication de M. Vincent Durand, page 317, Montbrison, 1886.

 

Découvertes archéologiques au pied du mont d’Isoure, emplacement présumé de Fluriacus et de Maceriae, communication de M. Vincent Durand.

 

M.Vincent Durand s’exprime ainsi :

Notre aimable et généreux confrère, M. de Saint-Pulgent, a offert il y a quelque temps au musée de la Diana un chapiteau du XIIe siècle en marbre blanc, d’un travail exquis, trouvé. dans le courant de l’année dernière à l’extrémité septentrionale du mont d’Isoure. Il a bien voulu me conduire récemment sur l’emplacement où l’inventeur, un maçon de Montverdun, dît l’avoir rencontré. Ce lieu est situé au pied même de la montagne, à 1720 mètres environ au S.E, du clocher de Montverdun, 43 mètres en S. du chemin de grande communication n° 6 de Boën à Montrond, et à 145 mètres à peu près, en soir déclinant midi, d’un remarquable carrefour où ce chemin se croise avec ceux de la Rive à Saint Clément et de Montverdun à Chambéon. Le chapiteau y gisait au milieu d’un amas de pierres qui avaient fait croire à une carrière et où sa présence a beaucoup surpris.

A 55 mètres environ au sud-est de ce point et dans la même pièce de terre, une seconde fouille a mis à découvert un autre amas de moëllons et de briques provenant d’une construction ruinée. Les dimensions et particulièrement l’épaisseur de quelques-unes de ces briques sont peu ordinaires. J’en ai mesuré un fragment qui n’avait pas moins de 35 centimètres de longueur, sur 21 de largeur et 14 d’épaisseur. Une autre brique de plus petit module mesurait encore 31 centimètres de long, 16 de large et 8 d’épaisseur. Elles sont du reste d’une fabrication extrêmement défectueuse et la terre en est fort mal cuite. Aucun objet appartenant à l’antiquité ne les accompagnait. Il se peut qu’elles remontent à une époque voisine de celle où a été sculpté le chapiteau. En effet, et infériorité de fabrication mise à part, ces briques rappellent par leurs proportions celles que l’on observe dans l’ancien cloître de Leignieu, monument qui parait dater de la fin du XIIe siècle.

Le territoire sur lequel a été faite la découverte porte sur le cadastre le nom de Queue du Bois ou de la Rive. Mais la véritable dénomination de ce quartier est Flurieu, ou par un accident de prononciation locale, Clurieu. La Croix de Flurieu, qui s’élevait à l’étoile de chemin dont j’ai parlé, est fréquemment citée dans lex titres du moyen-âge.

– Gras, dans son travail sur le Forez: avant l’an mil, publié dans la Revue Forézienne, t. IV, p. 299. a rapproché cette croix de Flurieu d’un lieu de Fluriacus cité dans une charte de Savigny de l’an 980 environ. Je suis porté à croire ce rapprochement fondé.

La charte alléguée est sous le n° 295 du cartulaire. C’est une donation faite à Savigny par un certain Acglerius d’une terre, vignes, champs et prés sis in pago Lugdunensi, in agro Forensi, in villa Macerias, infra fines de FLuriaco. L’acte porte. entre autres souscriptions, celles de Vualanus et de Bodo.

Ces indications seraient sans doute insuffisantes, si la villa Macerias dont le nom est lié à celui de Fluriacus, ne reparaissait point en d’autres titres du même cartulaire, qui permettent de fixer jusqu’à un certain point la région dans laquelle cette villa était située. Deux de ces chartes, nos 263 et 292, la placent. comme la précédente, dans l’ager Forensis ; mais la charte 568 la met dans l’ager de Solore : in agro Solobrensi, in fine de Maseriis. Cela prouve déjà qu’il s’agit d’une localité située sur. la limite occidentale de l’ager Forensis. La charte 303, de l’an 970 environ, intitulée, De curtilo in Isiouro, laisse soupçonner en outre que Macerioe était un lieu voisin d’Isoure : on y lit en effet : Ego, in Dei nomine, Adaltrudis foemina dono de rebus meis quoe sunt sitoe in pago Lugdunensi, in agro Forensi, in vilia Isiouro, in primis curtilum unum cum vinea simul tenente, et campum suum subtus viam, et pratum unum in ipso fine; et in alia villa que vocatur Macerias, quicquid in ipsa visa sum habere in vineis, campis, pratis, cum exitibus et regressibus. On retrouve aux souscriptions les noms de Vualunus et de Guido, (ce dernier personnage peut-être identique avec le Bodo de la charte 295) (1). De plus, les mêmes souscriptions de Vualanus et de Bodo reparaissent au bas d’un acte contemporain, (charte 277, de l’an 980 environ) contenant donation par Ansbertus de biens sis in pago Lugdunensï, in aqro Forensi, in villa quoe nuncupatur Liviniacus (var.. Luviniacus), qui parait être Lugnieu, commune de Marcilly, à fort peu de distance du Mont Isoure, c’est-à-dire dans la région où nous plaçons FIuriacus.

Mais si la croix de Flurieu marque la position de Fluriacus, où convient-il de placer Macerioe ? J’avoue que je n’ose être trop affirmatif à cet égard : néanmoins la croix de Flurieu est si près de Saint-Clément (8 à 900 mètres seulement du cimetière découvert l’année dernière), que je suis tenté de reconnaître Macerioe dans cette ancienne paroisse, dont Flurieu à très probablement dépendu. Le nom même de Maceriae, les Murailles, convenait assez bien à un lieu où l’antiquité a laissé tant de traces et où s’élevaient peut-être autrefois des ruines importantes (2).

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(1) Ch.186, octobre 980 : Ego in Dei nomine Vuido, cognomento Bodo.
(2) Gras avait interprété Maceriae par Miserieu (appelé Masziriacus dans la charte 564, des environs de l’an 1000), mais avec un signe de doute. Cette identification souffre en effet de sérieuses difficultés, soit philologiques, car Maceriae produirait Mesières, soit topographiques, car Miserieu ne peut guère être rattaché à l’ager Solobrensis, où la charte n0 568 place Maceriae.
On pourrait objecter que Gradiniacus, Grénieu, est placé dans cet ager par les chartes 101 et 273. Mais il n’est pas certain que ce nom s’applique à Grenieu, lieu de la commune de Nervieu si connu par ses foires : il existait en effet a Trelins un second Grénieu, identique peut-être au hameau actuel de Montaillard, ou du moins situé à proximité et voisin aussi du vallon de Concise, qui rappelle la silva Concisa de la charte 101.

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J’ai dit en commençant que la croix de Flurieu, entrecroisement remarquable de chemins, est assez souvent citée dans les titres du moyen-âge. C’était un des termes d’un péage dont la perception fut abénevisée le 14 mai 1408, par Jean de TaIaru, seigneur de Chalmazel et de Pralong. aux auteurs de Jean Durand alias de la Brandisse, qui en passa reconnaissance nouvelle au terrier Beauvojr de 1559. Ce péage, dit une notice faisant partie des archives de Goutelas, se lève « sur tous ceux qui menent fustes, quelques futes que ce soit, et moeules de pierre neuve, depuis le pont de TreIins (1) jusqu’à la Croix de Beaucieux, qu’on appelle à présent la Croix Bordelle (2), et aussy depuis ledit pont de Trelins jusqu’à la Croix apellée de Flurieu, qui est contre le bois d’Uzore, au departement et trevoux des chemins, l’un tirant à Chambeon, l’autre à Mornand, et 1’autre à Saint-Paul d’Uzore ;…… sçavoir : de chacune charretée posts ou fustes neuves , demy blanc, et autant d’une beste chargée, et pour chacune moeule deux sols six deniers tournois. »

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(1) Pont sur le Lignon , au dessous du bourg de Trelins.
(2) Bossieu, commune de Chalain d’Uzore, sur l’ Estra Français : « Terre assize vers la Croix de Beaucieu (George Bordel en porte la moitié)….jouxte..l’estra tendant de Marcilly à Montbrison de matin, le chemin tendant de Challain à Pralong de bize « (Arch. de Goutelas. Copie du terrier de Pralong reçu Beauvoir ; réponse de Marguerite Varenne, 30 mai 1559).

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La charte 292 de Savigny mentionne sur le territoire de Maceriae un autre lieu appelé Civiletus : in pago Lugdunensi, in agro forensi, in villa Mascerias, in loco qui vocatur Civileto. J’ai vainement recherché ce lieu, dont la détermination pourrait servir de pierre de touche aux identifications précédentes. Ce serait trop hasarder peut-être, que de la reconnaître dans le quartier de Guiolet à 1300 mètres au sud-ouest de la Croix de Flurieu, en un col du mont d’Isoure qui donne passage à plusieurs chemins (1). Le nom de Siaulet, ou la Sciolet, lieu habité à l’extrémité orientale de la commune de Poncins, rappellerait davantage celui de Civileto; mais, outre que je n’ai rencontré cet écart dans aucun titre ancien, il est bien rapproché de Feurs pour que la villa de Maceriae, dont il serait supposé avoir dépendu, ait été accidentellement rattachée à l’ager Solobrensis (2).

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(1) Partage entre Jean et Françoise de Combes, 1598, titre appartenant à M. de Saint-Pulgent. Le cadastre écrit Grillet.
(2) Siaulet figure dans la carte de Cassini ; je ne connais pas de document antérieur où il soit mentionné : ce qui est à vrai dire, un argument tout négatif. S’il était prouvé néanmoins qu’il représente Civiletus, la villa de Maceriae, en dépit de la difficulté que je viens d’indiquer, serait peut-être mieux placée à Sainte-Foy, et alors le Fluriacus du cartulaire pourrait être recherché dans le bois de Clurieu.