BD, Tome 58, Claude Latta, La confrérie des Pénitents de Montbrison en 1732, pages 141 à 151, Montbrison, 1999.
Le travail que nous vous présentons s’inscrit pour nous à la fin d’un cycle de plusieurs communications faites à la Diana sur l’histoire religieuse de Montbrison sous l’Ancien Régime. Il vient en complément de l’étude des Toiles peintes de la chapelle des Pénitents ( ) qui se trouvent aujourd’hui en Suisse. Il s’inscrit aussi dans une approche des XVIIe et XVIIIe siècles qui furent marqués, à Montbrison, par l’importance de la Réforme catholique. Nous l’avons abordé dans deux communications consacrées à la création du collège des Oratoriens ( ) et à la confrérie de Notre-Dame des suffrages pour la délivrance des âmes du Purgatoire ( ) . Ajoutons à cette liste une étude sur l’histoire de la chapelle de l’ancien Hôtel Dieu – devenue temple de l’Eglise Réformée – et de la communauté protestante de Montbrison ( ) publiée par Village de Forez. Cette approche multiple, menée lorsque les documents le permettaient, qui vise à comprendre les mentalités et les pratiques religieuses des Montbrisonnais sous l’Ancien Régime.
Une source nouvelle
Notre principale source a été un Etat des membres de la confrérie des pénitents qui doivent à la chapelle leurs pentions ( ) et réceptions, daté de 1732 et adressé à Monseigneur l’intendant. Ce document appartient aux archives de la Diana. Il se présente sous la forme d’une liste de huit feuillets de format 34,5 x 23 cm. C’est une liste des soixante-quinze “retardataires” qui n’ont encore payé ni leurs frais de réception ou d’installation dans la confrérie, ni leur “cotisation”. Il s’agit d’un double, qui comporte des ratures. L’original a été envoyé à l’intendant. Il n’y a pas de mention d’origine mais elle a été à l’évidence rédigée par le receveur de la confrérie. A supposer que la proportion des retardataires, plus ou moins oublieux, plus ou moins “mauvais payeurs”, soit, par exemple, du quart, cela supposerait que la confrérie avait autour de trois cents membres. A titre de comparaison, la confrérie Notre-Dame des suffrages des âmes du Purgatoire, que nous avons précédemment étudiée ( ), avait au XVIIIe siècle un nombre d’adhérents comparable (280 membres). La confrérie des Pénitents noirs de Villefranche-de-Rouergue, qui vient de faire l’objet d’une étude intéressante, avait 186 adhérents en 1632 ( ) .
Quoi qu’il en soit, nous avons, avec soixante-quinze noms, une liste suffisamment importante pour nous donner une idée de la composition de la confrérie. En outre, un document de ce type nous apprend toujours beaucoup plus de choses qu’on ne pourrait le penser : les sommes réclamées, bien sûr, les noms des confrères, leur fonction éventuelle dans la confrérie, leur position sociale, leur répartition par quartiers. Cette liste était accompagnée, dans les archives de la Diana, de différents documents: des quittances signées du receveur de la confrérie et des notes se rapportant à l’aménagement et au mobilier de la chapelle. Ces documents sont d’autant plus précieux que les archives de la confrérie des Pénitents de Montbrison ne sont pas parvenues jusqu’à nous et que nous ne possédons pratiquement pas de liste de membres, à part les noms des treize confrères qui en 1660 signent un acte d’achat au nom de leur confrérie ( ).
Au total, nous ne pouvons faire l’histoire de cette confrérie et de sa chapelle que de façon très discontinue, au fur et à mesure que des documents apparaissent, souvent à l’occasion d’une autre recherche dans les archives notariales. Auguste Broutin, qui a vu la chapelle avant sa vente en 1874, décrit la façade de 1762 mais dit peu de choses de l’intérieur: “cette petite église, très simple à l’intérieur, ne contient qu’une seule nef non voûtée” ( ) . Francisque Ferret et Joseph Barou ont publié dans notre Bulletin des travaux qui sont la base de notre connaissance de l’histoire de la chapelle et de la confrérie. La confrérie a joué un rôle important dans la vie religieuse de la ville pendant presque trois siècles: de 1591, date de sa fondation à 1874,année de sa disparition et de la vente de la chapelle à un propriétaire privé ( ) – avec une interruption de quelques années pendant la Révolution.
Origines de la confrérie
La confrérie des Pénitents de Notre-Dame du Gonfalon avait été fondée à Rome en 1264 avec, comme premier directeur, saint Bonaventure. Le pape Clément IV avait approuvé cette création par une bulle de 1265. Le même saint Bonaventure avait aussi, en 1274, fondé la confrérie des Pénitents blancs de Notre-Dame du Gonfalon de Lyon qui pouvait donc revendiquer une ancienneté presque égale à celle de Rome. Elle se reconstitua en 1578 et fut agrégée à celle de Rome ( ).
– Cette confrérie de Pénitents blancs fut établie à Montbrison le 16 juin 1591 – treize ans après celle de Lyon – par Anne d’Urfé, lieutenant général du Forez, l’un des chefs de la Ligue en Forez. A Montbrison, après avoir repoussé les assauts des protestants en 1589 et 1590, Anne d’Urfé a déjoué, quatre mois auparavant, un complot visant à livrer la ville au comte de Maugiron, chef des protestants de la région de Lyon ( ) . La création de cette confrérie de Pénitents se place donc dans un contexte de luttes religieuses et, déjà, de reconquête catholique.
– Comme à Lyon, la confrérie fut installée dans une chapelle du couvent des cordeliers de Montbrison : cela avait déjà été le cas à Lyon. Saint Bonaventure était en effet un franciscain et, dès le départ, les Pénitents du Gonfalon furent liés à l’ordre des cordeliers – la dénomination populaire des franciscains. A Montbrison, ils se trouvaient ainsi liés à l’ordre religieux le plus important et le plus ancien de la ville. Les cordeliers assuraient tous les services religieux de la confrérie ( ).
– La confrérie des Pénitents du Gonfalon de Montbrison fut la première créée en Forez ( ) . D’autres s’installèrent ensuite dans plusieurs villes du Sud de la province de Forez. Au XVIIe siècle, ils étaient présents à Boën, Saint-Galmier, Rive-de-Gier, Saint-Paul-en-Jarez, Saint Chamond et Saint-Etienne ( ).
L’existence des confréries était considérée avec une certaine suspicion par l’autorité épiscopale et par l’autorité royale, jalouses de leur pouvoir et désireuses de contrôler les activités d’associations religieuses qui manifestaient parfois une certaine indépendance. Aussi depuis 1604, les confréries étaient-elles sous l’autorité de l’évêque et depuis 1669, les créations de confréries devaient-elles être autorisées par le roi ( ). Cette double sujétion explique pourquoi l’intendant se tenait informé des événements les concernant.
Une nouvelle naissance pour la confrérie (1731-1732)
La confrérie avait donc été fondée en 1591, comme le rappelle la date inscrite au fronton de la chapelle ; elle se dota en 1731 seulement d’une chapelle indépendante. Celle-ci fut agrandie en 1762, date de construction de la façade actuelle ( ). Lorsqu’on dresse l’Etat de 1732, la confrérie vient de s’installer dans sa nouvelle chapelle. La construction de celle-ci s’était imposée après le grand incendie de 1731 qui avait ravagé le couvent des cordeliers. D’autre part, les Pénitents n’avaient sans doute pas été mécontents de s’émanciper de la tutelle des cordeliers et de disposer d’une chapelle indépendante. La construction avait peut-être été encouragée par Mgr François Paul de Neuville de Villeroy, archevêque de Lyon de 1714 à 1731 ( ), très favorable aux confréries ( ) – au contraire de son prédécesseur et de son successeur. I1 s’agissait d’une véritable nouvelle naissance pour cette confrérie qui avait été capable financièrement d’engager les travaux importants de construction d’une chapelle. Les besoins d’argent de la confrérie expliquent d’ailleurs peut-être que l’on réclame aux confrères les arrérages de cotisations.
Les travaux d’aménagement de la chapelle n’étaient d’ailleurs pas terminés puisque, dans les documents annexes se trouvent des prix-faits et des quittances : on a “posé deux pilastres à côté de l’autel”, “tendu des tapisseries” contre les murs, fait des “bancs à côté de la balustrade”, mis “une pièce de cuir au battant de la cloche”, avec deux cordes dans le clocher et fait “un chemin de gravier et de sable” jusqu’à la porte de la chapelle; il faut aussi payer quelques “journées” de travail aux artisans et aux journaliers qui ont fait les travaux. Ces travaux modestes sont des travaux de “finition” qui n’engagent que des sommes faibles. Les Pénitents font travailler leurs propres confrères puisque, par exemple, des travaux sont effectués par “Antoine Bertrand, charpentier et pénitent” qui ne fait payer, lui, que les “fournitures” (deux cents clous et des planches).
L’organisation de la confrérie
La liste des confrères de 1732 nous donne d’abord des renseignements sur les fonctions des officiers de la confrérie. L’administration de la confrérie est assurée par le recteur et le sous recteur qui président aux cérémonies de la chapelle et dont a “refait les sièges”. En 1732, M. Bochetal est sousrRecteur ( ). Le receveur de la société de messieurs les Pénitents du gonfalon de cette ville tient les comptes de la confrérie, signe les quittances et traite avec les entrepreneurs chargés des travaux : nous trouvons successivement à ce poste MM. Jasserand (1723), Dorigny (1724, 1725), Charier (1732), Chantelauze (1736). Les cérémonies elles-mêmes sont organisées par le premier maître de cérémonies : en 1732, M. Morel, notaire royal exerce cette charge. Il est assisté de plusieurs autres maîtres des cérémonies placés sous son autorité: en 1732, ce sont MM. Dumas, Compagnon, de Grandris. Parmi eux, Simon Compagnon est chargé de la réception des nouveaux confrères. Il y a une véritable inflation du nombre des officiers de la confrérie : ce qui flattait les titulaires et apportait à la confrérie des cotisations plus importantes. Parmi ces dignitaires de la confrérie, les noms de M. Bochetal, sous-recteur, M. Charier, receveur et M. Morel, premier maître des cérémonies, doivent entrer dans la mémoire collective de la cité : ce sont eux qui ont eu en charge la construction de la chapelle.
Les pensions – cotisations -, les réceptions de nouveaux confrères et les installations des officiers constituaient l’essentiel des ressources de la confrérie. Elles variaient selon la position sociale – les revenus – des confrères: cette indexation, comme nous dirions aujourd’hui, est intéressante à observer. La cotisation annuelle d’un confrère était de deux, trois ou quatre livres. Les réceptions des novices et des nouveaux confrères ou les installations des nouveaux officiers coûtaient beaucoup plus cher : on mentionne parfois, à cette occasion, les frais de cierges. André Fauvel et Jacques Barrieu doivent chacun trente livres – dix années de cotisation – pour leurs installations de sous-recteur. Les coûts des réceptions de confrères étaient à moins de cinq livres pour certains confrères peu fortunés: quatre livres pour Jacques Fauvin fils, boulanger, et pour Barthélémy Gorand fils, “reçu novice”; mais la réception est de neuf livres pour Didier Barel et onze livres pour Gabriel Perrotton, cordonnier. Gilbert Souchon paie douze livres. La variation est donc de un à trois. On peut estimer les revenus annuels de la confrérie à 1500 livres par an, ce qui représente une somme importante, dont l’origine se répartit ainsi : 900 livres de pensions, 300 livres de réceptions et 300 livres d’installations.
La composition sociale de la confrérie
La liste des soixante-quinze membres de la confrérie constitue un échantillon intéressant pour l’histoire religieuse et sociale. Les indications de profession sont suffisamment nombreuses ( ) et précises pour que le document puisse être exploitable.
Les confrères sont tous des hommes : les confréries de Pénitents sont des confréries masculines. La confrérie Notre-Dame des suffrages des âmes du Purgatoire, déjà citée, avait, elle, 60 % de femmes parmi ses membres. On est souvent membre de la confrérie par tradition familiale : “Pierre de La Valette et son fils”, “M. de La Tuillère et son fils”, « ”MM. Franchet, père et fils”, le “sieur Simon Compagnon et François Joly, son neveu” sont membres de la confrérie. Les noms de famille de quatre sur treize des confrères cités en 1660 ( ) se retrouvent sur la liste de 1732. Les confrères sont groupés géographiquement en quatre quartiers : 1)la grande rue ( ) , 2) la rue Saint-Jean, la rue de Moind ( ) et la place du marché, 3) la place de la Tupinerie, la rue neuve ( ) et la rue des Cordeliers, 4) la rue de la Madeleine ( ) , la rue Saint Pierre, et la rue de la Croix ( ).
Sur les soixante-quinze membres, onze appartiennent à la noblesse (14,6 %), ce qui est relativement important. Citons quelques noms qui appartiennent à l’histoire de la cité : noble André Dupuy ( ) , M. de Grandris ( ), maître des cérémonies, noble Georges Morel ( ) de Meylieu, noble Jean-Marie Roux de La Plagne ( ) , M. Punctis de la Tour ( ) , M. Pugnet, écuyer, M. de Mussieu ( ). Les hommes de loi sont nombreux: au moins dix (13,3 %), ce qui correspond bien à ce que nous savons de l’histoire sociale d’une ville, qui sous l’Ancien Régime, a une vocation judiciaire nettement marquée et où les officiers du bailliage tiennent le haut du pavé. On trouve Me Chavassieu ; Mes Franchet, Dumont et Morel, notaires, Me Pommerol ( ), d’une famille d’officiers au bailliage, M. Dupuy, ancien conseiller au bailliage et M. Fridière, procureur. Vingt-cinq membres de la confrérie (33 %) ont leur nom précédé de sieur (Sr) ou monsieur (Mr) et parfois suivi de la mention bourgeois, ce qui montre qu’ils revendiquaient leur appartenance à la bourgeoisie ou qu’on la leur reconnaissait. Les artisans et boutiquiers sont au nombre de quinze (20 %). Citons Pierre Delorme, perruquier, Barthélemy Morel, boulanger; Martin Durand ( ), aubergiste, Pierre Cluzel, vitrier, Georges Vernadet, tailleur. Au total, trois boulangers, deux tailleurs, deux messagers un cordonnier, un menuisier, un vitrier, un perruquier. Peu de membres du “menu peuple”, représenté dans la société montbrisonnaise par les journaliers, vignerons et tisserands. De cette couche sociale, il y a un seul représentant, le tisserand Hubert Reymondier.
Au total, nobles, hommes de loi et bourgeois représentent donc plus de la moitié (60 %) des membres de la confrérie: il s’agit d’une association beaucoup plus “élitiste” que la confrérie de Notre-Dame des suffrages des âmes du Purgatoire que nous avons précédemment étudiée: dans celle-ci les cotisations étaient beaucoup plus faibles et 59 % des confrères ne payaient annuellement qu’une somme comprise entre un et cinq sols. Mais les artisans et les boutiquiers ne sont pas absents de la confrérie des Pénitents.
Activités et dévotion des confréries de Pénitents du Gonfalon
Les documents découverts dans les archives de la Diana ne nous apportent malheureusement pas de renseignements directs sur les pratiques de dévotion de la confrérie. Cependant une première approche peut être faite :
– La construction de la chapelle, dans un XVIIIe qui est pourtant marqué par le déclin général des associations et des ordres religieux, nous donne une indication sur la vitalité de la confrérie. On construit une chapelle. On continue d’ailleurs à faire des aménagements dans celle-ci et on l’agrandira en 1761. La situation financière n’est cependant pas exceptionnelle et Francisque Ferret remarque que la construction s’est faite un peu à l’économie ( ). La réclamation des cotisations en retard montre aussi que la confrérie a besoin d’argent pour finir de payer les travaux de la chapelle.
– Le trait le plus caractéristique d’une chapelle de pénitents est la présence d’une tribune où sont rangés les croix et les bâtons de processions. La chapelle des Pénitents ne déroge pas à cette règle : elle avait une tribune ( ) et une balustrade, mentionnée dans le mémoire présenté pour paiement par Martin Roux qui a fait des travaux pour la chapelle.
– Les tapisseries de 1732 ne nous sont pas connues mais les toiles peintes qui seront installées en 1760 et représentent les principaux épisodes de la vie de la Vierge Marie. Elles révèlent, dans leur iconographie, l’importance de la piété mariale dans la culture religieuse des Pénitents. Le thème paraît fréquent: on le trouve dans la chapelle des Pénitents blancs du Confalon du Puy ( ) où le plafond peint à caissons s’organise autour du thème de l’Assomption ( ).
– Les cérémonies religieuses, connues par les statuts d’autres confréries du Confalon, consistent en nombreux offices; mais il y a aussi les réceptions et les installations qui accueillent les nouveaux membres et installent les nouveaux off1ciers: on y fait grand usage de cierges dont le prix est réclamé aux Pénitents en retard dans le règlement de leurs dettes. Les processions accompagnent le corps des Pénitents défunts encadrés par leurs confrères revêtus du « sac » traditionnel qui, par l’anonymat qu’il impose, fait de chaque membre de la confrérie un membre égal aux autres. Dans le diocèse de Lyon, ces processions sont strictement réglementées et le synode de 1705 a rappelé qu’aucune procession ne peut se faire sans la permission de l’archevêque ( ) . A Montbrison, les Pénitents participaient, au XIXe siècle – et sans doute au siècle précédent – à la procession des Rameaux, à celle du Jeudi Saint ainsi qu’à celle de la Fête-Dieu.
La confrérie des Pénitents est ainsi une association vouée à la piété et à la dévotion, un espace où se noue le lien social, dans une chapelle toute neuve, adaptée aux besoins de la confrérie et édifiée au cœur de la cité, dans un quartier populaire.
Des repères pour l’étude des mentalités religieuses
Les documents analysés aujourd’hui complètent ainsi, par petites touches, notre connaissance, si incomplète encore, des mentalités et des pratiques religieuses dans une petite ville à l’époque de la Réforme catholique. La création du collège des Oratoriens, en 1620-1629, avait montré une attention nouvelle aux problèmes de l’enseignement. La construction de la chapelle de l’Hôtel-Dieu – devenue aujourd’hui le temple de la communauté protestante – et la construction de celle des Pénitents montrent l’importance pour les Montbrisonnais de l’Eglise visible, présente dans la cité. Au même moment on achève d’ailleurs de construire et on agrandit la Visitation et le Grand Couvent des Ursulines.
L’exercice de la piété passe par tout un réseau de confréries, adaptées à des publics différents : confrérie élitiste et masculine des Pénitents, confrérie plus populaire et plus féminine de Notre-Dame des suffrages des âmes du Purgatoire, liée aux chanoines de Notre-Dame et aux Ursulines. Cette dévotion est celle du culte de la Vierge, présente dans les toiles peintes des Pénitents ; elle s’exprime dans les prières destinées à racheter les âmes des pécheurs : cortège des pénitents priant lors des funérailles qu’ils accompagnent dans une mise en scène qui apprivoise la mort constamment présente dans la cité; confrères de N.D. des Suffrages priant pour écourter le séjour des âmes des pécheurs au Purgatoire. L’Eglise post-tridentine a besoin de médiations: la médiation d’un enseignement qui forme ces élites sociales si présentes dans la société montbrisonnaise ; médiation des prières et des pénitences. Les documents, que nous livrent peu à peu une recherche que la perte de beaucoup d’archives a beaucoup fragmentée, nous rappellent constamment l’importance de ces médiations.
Avec ces Pénitents montbrisonnais, nous voyons mieux comment une confrérie, créée dans le tumulte des guerres de religion, contribua ensuite, dans la diversité des actions de l’Eglise, à imprégner la société de la France d’Ancien Régime d’une dévotion d’inspiration salésienne. Les historiens Elizabeth Labrousse et Robert Sauzet remarquent avec finesse dans l’Histoire de la France religieuse : “Cette laicisation de la piété « récupère » discrètement le sacerdoce universel des protestants en l’adaptant à l’orthodoxie romaine” ( ). François de Sales écrivait : “Où que nous soyons, nous pouvons et devons aspirer à la vie parfaite” ( ) . Un document, qui nous a donné une liste de Pénitents brusquement sortis de leur anonymat, nous fait ainsi pénétrer dans les pratiques et les mentalités religieuses de nos ancêtres.