BD, Tome VI, Peintures murales anciennes de l’église d’Ouches. – Communication de M. Jeannez., pages 227 à 231, La Diana, 1892.
Peintures murales anciennes de l’église d’Ouches. – Communication de M. Jeannez.
M. Jeannez prend la parole en ces termes :
Lorsqu’au mois d’août 1891 furent commencés les travaux d’agrandissement de l’église d’Ouches, cet édifice se composait d’une salle rectangulaire en contrebas du sol, ouvrant sur un clocher-chœur par un arc plein cintre. La salle était insuffisante comme dimensions, le sanctuaire l’était bien davantage, en sorte que la seule combinaison possible, pour obtenir l’agrandissement demandé, comportait la désorientation de l’édifice, la transformation du petit sanctuaire en un porche d’entrée et la création d’une abside à l’extrémité de la salle-nef prolongée.
Mais quel style architectural convenait-il d’adopter pour cette reconstruction ?
La salle servant de nef était, sans doute possible, une bâtisse du XVI e siècle. Quant au clocher, par la forme cintrée et trapue de toutes ses baies, par l’épaisseur des murs, par la forme obtuse de la toiture en pyramide à quatre pans, il semblait appartenir à l’époque romane, à l’art du XII e siècle. Mais ce n’était 1h qu’une induction trop vague, grâce à la pauvreté des données architectoniques.
L’histoire, de son côté, sans contredire à cette détermination, n’offrait pas de documents permettant de la préciser. Le château d’Ouches apparaissait bien au XII e siècle comme une grange très considérable pouvant loger les 300 chevaux de l’ost du sire de Beaujeu Guichard Il, et plus tard, au XII e siècle, comme un castrum sérieusement fortifié, assis au centre d’une motte fossoyée de 90 mètres de diamètre encore existante. Une telle importance pouvait sans doute légitimer cette époque reculée l’existence d’une chapelle ou d’une église, de laquelle dépendait peut-être, le clocher actuellement debout.
Mais ce problème d’âge et de style restait cependant forcément irrésolu, lorsque survint nie très intéressante découverte qui leva tous les doutes.
Au cours des travaux préliminaires nécessités par le projet d’agrandissement, l’enlèvement d’anciens crépis superposés mettait au jour une curieuse peinture murale de 2 m 10 de hauteur sur 2 m 20 de largeur qui recouvrait la base du mur du clocher à droite de la baie plein cintre par laquelle on accédait au sanctuaire. Cette décoration se prolongeait jusque sur les claveaux extradossés de cet arc avec retour sur l’intrados ; elle était, tout naturellement plus récente que la construction sur laquelle elle était appliquée ; et comme c’est incontestablement, ainsi que nous le montrerons plus loin, une œuvre du milieu ou de la seconde moitié du XIII e siècle, il en résultait que le clocher plus ancien appartenait à la fin de la période romane. Les inductions architectoniques et historiques se trouvaient donc confirmées et le style architectural roman devenait tout indiqué pour les restaurations ou reconstructions à accomplir.
L’ œuvre peinte dont nous avons donne les dimensions a la forme d’un rectangle surmonté d’un arc en tiers point. Elle est distribuée en deux scènes superposées assises sur des frises horizontales d’ocre jaune entre deux bandes rouges.
En has, c’est l’Adoration des Mages, composition de quatre figures polychromes de 0 m 85 de hauteur, s’enlevant, sur un champ verdâtre. Deux des mages sont debout ; le troisième est agenouillé devant, une Vierge mère assise, vêtue d’une robe blanche et dont on ne distingue plus très nettement les redessinés sombres. Les trois rois portent la couronne sur de longs cheveux coupés carrément sur le front, et l’un d’eux reproduit exactement le portrait légendaire de saint Louis du vitrail de Poissy. Les robes sont courtes, laissant voir les chaussures pointues, vraies pigaches du XIII e siècle. Et ces robes pourpres sont recouvertes de manteaux sans agrafes qui laissent libres les manches de la tunique et les gants à cornet.
Un calvaire occupe le compartiment supérieur. Le crucifié a les bras étendus horizontalement sur des croisillons minces et allongés à la manière italienne et ses jambes sont violemment repliées comme au XIV e siècle. En has, une Vierge debout a la tête appuyée sur la main gauche soutenue elle-même par le bras droit : attitude qui ne se rencontre que très rarement en iconographie. Enfin, détail curieux à noter, aux deux angles de la composition sont posés sur le sol deux chandeliers courts et arrondis qui n’ont rien de commun avec les chandeliers à pieds d’araignes à la mode dès le XIV e siècle. Ils ont cette forme basse, trapue, usitée durant la période carolingienne, depuis le IX e siècle, c’est-à-dire depuis l’époque où l’Église commence à placer des flambeaux sur ses autels.
Comme technique, ces peintures, justes de proportions et de mouvement, où les mains seules laissent à désirer, paraissent avoir été exécutées tout simplement à la chaux, sans encollage et sur enduit à peine humide, ainsi que le prouve la faible épaisseur de la couche colorée ; ce qui les distingue de la fresque véritable. Pas de vernis ; rien du poli agathisé des peintures murales de Tournus, de Saint-Julien de Sennecy ou d’Anzy. Le dessin énergique et rapide est donné par des traits noirs ou bistres qui circonscrivent les teintes plates colorées, pales et douces.
Ces observations concernent exclusivement la scène de l’adoration, car, pour les personnages du calvaire, il semble résulter d’un examen minutieux qu’ils furent dessinés au trait sur un enduit blanchâtre, en détrempe, passé après coup sur la peinture primitive dont les couleurs réapparaissent par places. L’âge nécessairement plus récent de ce second travail expliquerait alors l’attitude contorsionnée du Christ, qui ne se rencontre guère avant le XIVe siècle.
Cette œuvre décorative est en assez médiocre état. Car, sans parler de l’action de l’humidité et du temps, elle a subi lors de sa découverte et au cours des derniers travaux des chocs et des mutilations regrettables qui ne furent peut-être pas toutes involontaires !
Sa conservation reste toutefois possible. On s’en occupe. Elle sera entourée d’un cadre saillant avec feuillures pour recevoir un vitrage protecteur. Et quant à sa restauration, elle consistera strictement à raviver les traits sombres du dessin, sans toucher aux teintes qu’ils enserrent.
Mise ainsi à l’abri des chances les plus fréquentes de destruction, cette peinture murale restera comme une précieuse relique de l’église primitive d’Ouches et un intéressant témoin de l’état des arts dans notre pays de Roannais vers la seconde, moitié du XIIIe siècle.