BD, Tome III, Deux sceaux foréziens, communication de M. Steyert, pages 257 à 260, Montbrison, 1885.
Deux sceaux foréziens, communication de M. Steyert.
M.Brassart, au nom de M. Steyert, donne lecture de la note suivante sur deux sceaux-matrices : l’un trouvé à Montbrison dans le Vizézy, et offert à la Diana par MM. Jacques Mournand et Philippe Baraillier (V. Bulletin, t. JII, page 186); l’autre acquis à Souternon par M. Coiffet fils, négociant Leignieu, et par lui obligeamment communiqué.
Sceau de bronze orbiculaire, de 23 millimètres de diamètre : dans le champs, une fleur de lys ; légende entre grenetis en capitales gothiques : + S : G : ERMEGAVI, Sigillum Guillelmi (ou Guidonis) Ermengavi. « Sceau de Guillaume Ermengau. »
Dans cette restitution, le prénom Guillaume, plus répandu, au moins dans les familles bourgeoises, parait préférable. Le nom Ermengau, ou mieux Ermengaud, n’est pas douteux : le trait d’abréviation au dessus du second E n’a pu trouver place à cause du grenetis. Ermengaud, qui s’est conservé jusqu’à nos jours en Armengaud, était fort répandu anciennement dans nos provinces. La terminaison avi, av, pour au, occasionnée par la suppression du d final, est corroborée par d’autres exemples : Argental qui se disait primitivement Argentau, a donné la flexion de Arqentavo que l’on rencontre fréquemment dans le cartulaire de Saint-Sauveur. Cette transformation de l’u en v est si naturelle, qu’elle se produit dans les langues slaves, qui ne connaissent pas la diphtongue au et la rendent par av. Ainsi les Russes écrivent Avgouste pour Auguste, qu’ils prononcent Afgouste.
La forme de la fleur de lys est remarquable par le développement des pétales latéraux qui se replient en volutes et par une double traverse dont on ne trouverait pas facilement d’autres exemples.
Ce petit monument doit appartenir au premier tiers ou la première moitié du XIV e siècle; il est d’une réelle importance car il nous présente un exemple peu commun de sceau de bourgeois dans notre région forézienne. A Lyon, on rencontre encore assez fréquemment des empreintes de sceaux bourgeois armoriés ou non, même dès la seconde moitié du XIIIe siècle, ce qui prouve que dès l’origine les citoyens lyonnais ont joui de ce droit, même avant la constitution de la commune. C’est à tort que l’on a subordonné le droit de cité et de bourgeoisie à l’existence d’une commune. L’on peut assurer que la franchise suffisait pour élever au même rang politique et social que la commune. Le sceau d’Ermengaud est la preuve de ce fait, car il n’y avait pas de communes dans le Forez, mais seulement des villes franches.
Sceau de bronze orbiculaire, gravé sur la base d’une pyramide hexagonale à faces concaves et terminée par un appendice trilobé percé d’un trou circulaire. Diamètre, 22 millimètres, hauteur 25.
Ecu d….. à un boeuf passant d…… ; légende en capitales gothiques entre grenetis frustes : + S’GVILLOV- D’BOVAYR : les deux dernières lettres liées. Scel Guillou de Bovayr.
Ce sceau, qui est également du premier tiers du XIV e siècle, est intéressant en ce qu’il nous fait connaître les armes primitives de l’ancienne famille de Boisvair (de Bosco vario), connue dès la seconde moitié du XIlle siècle et qui parvint à la noblesse vraisemblablement par l’influence de Mathieu de Boisvair, professeur ès-lois, personnage important mentionné de 1308 à 1339, qui fut juge de Forez et eut l’honneur d’être l’un des exécuteurs testamentaires du comte Jean I.
Les Boisvair étaient originaires du hameau de ce nom, situé actuellement dans la commune d’Epercieu-Saint-Paul, et qui devint fief seigneurial par suite de l’anoblissement de ses possesseurs. Dès avant cette époque (1292) , on les trouve divisés en deux branches possédant collectivement Boisvair. Cette terre resta à la famille du juge de Forez, qui se divisa elle-même en deux rameaux, dont l’un conserva Boisvair et se fondit vers la fin du XIV e siècle dans une famille l’Espagnol, éteinte elle aussi au milieu du XVIe. L’autre rameau, possesseur de la seigneurie de Pelussieu, paraît avoir fini quelques cent ans auparavant.
Il m’est difficile, faute de notions généalogiques suffisantes, de déterminer à laquelle de ces diverses familles appartenait notre Guillou. Il est omis dans le Recueil des Fiefs de M. André Barban, mais il a été cité sous le nom altéré de Guillon par dom Béthencourt, comme faisant hommage en 1335 pour une maison et partie d’un pressoir à Pouilly. D’après la date et le prénom, on peut le croire petit-fils de Guillaume, vivant en 1274, qui fut père de Jean, co-propriétaire de Boisvair en 1292. Il est permis, d’après le titre de l’hommage, qui serait à vérifier, de le considérer comme ayant constitué momentanément un rameau détaché des seigneurs de Boisvair qui n’aurait pas subsisté, car on ne trouve plus au-delà ni Guillou ni Guillaume. On ne doit pas en effet le confondre avec Guiot, prébendier de Notre-Dame de Montbrison en 1332, fils du juge de Forez, ni avec un autre Guiot de Boisvair qui fit hommage en 1393. Les deux prénoms Guiot et Guillou procèdent l’un de Gui et l’autre de Guillaume, comme il a été dit.
Quoiqu’il en soit, il est établi par notre sceau que les Boisvair portaient primitivement d’autres armes que celles qui étaient connues jusques là. C’était un blason parlant, sans doute de gueules au boeuf de vair : jouant sur la prononciation, on avait trouvé dans le nom Bosvair un boeuf et non un bois. Par la suite, soit qque le bœuf ait paru trop trivial, soit que l’on ait été mieux instruit de l’étymologie, on adopta un arbre ; mais comme il n’était guère possible de le blasonner de vair, on préféra commettre une erreur d’un autre genre et on interpréta le nom Boisvert, de Bosco viridi, au lieu de Bosco vario, qui indiquait des arbres d‘un ton de verdure différent et varié. De là le blason attribué par Guillaume Revel à Jean de Boisvair, portant coupé d’or et de gueules à un arbre de sinople brochant.
Ces changements d’armoiries étaient tellement fréquents au moyen-àge qu’il est inutile de justifier le fait. Il resterait seulement à connaître la date du changement que nous constatons ici et à décider si toutes les branches de la famille de Boisvair l’avaient adopté.
M. le président propose à l’assemblée de voter des remerciements à M. Coiffet qui communique si libéralement toutes ses découvertes à la Société de la Diana. Cette proposition est adoptée à l’unanimité.