BD, Tome IV, 12e session annuelle des sociétés des Beaux-Arts, pages 298 à 306, Montbrison, 1887.
PRESIDENCE DE M. JEANNEZ.
12e session annuelle des sociétés des Beaux-Arts. – Instructions du Comité des sociétés des Beaux-Arts des départements. – Loi sur la conservation des monuments historiques.
M. le Président donne connaissance d’une lettre de M. le Ministre de l’Instruction publique, en date du 1er février courant, l’informant que la 12e session annuelle des Sociétés des Beaux-Arts aura vraisemblablement lieu dans la semaine de la Pentecôte, et invitant les auteurs qui auraient l’intention de faire des lectures dans cette réunion à lui adresser leurs manuscrits avant le 1er avril au plus tard.
A cette circulaire sont jointes les instructions suivantes :
MINISTERE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE, DES CULTES
ET DES BEAUX-ARTS.
COMITE DES SOCIETES DES BEAUX-ARTS
DES DEPARTEMENTS.
Instructions.
Le Comité des Sociétés des Beaux-Arts des départements a pour but : 1° de provoquer la publication de documents inédits intéressant les maîtres de l’école française et les artistes étrangers ayant travaillé en France ; 2° d’accroître l’impulsion donnée par la commission de I’ Inventaire à la publication de l’ Inventaire général des Richesses d’art de la France ; 3° d’obtenir toute communication relative aux monuments et aux objets d’art qui pourraient être en péril sur quelque point que ce soit, par suite de négligence ou pour tout autre cause.
Le concours que l’Administration des Beaux-Arts et le Comité des Sociétés des Beaux-Arts des départements attendent des membres non résidents et des membres correspondants du Comité peut donc revêtir, selon les circonstances, des formes diverses.
§ I. – Session annuelle des délégués des Sociétés des Beaux-Arts des départements.
Chaque année, les délégués des Sociétés des Beaux-Arts des départements sont invités par l’Administration à se réunir à Paris. L’époque de la session, les conditions requises pour y prendre part font l’objet d’une circulaire spéciale qui est adressée en temps utile non seulement aux membres non résidents et aux correspondants du Comité, mais à tous les Présidents des Sociétés provinciales en rapport avec la Commission de l’inventaire ou avec le Comité. Il n’y a donc pas lieu d’entrer ici dans des détails d’administration dont la lettre varie à l’approche de chaque session. Mais il n’est pas inutile d’appeler l’attention des collaborateurs du Comité sur le caractère des lectures faites aux sessions annuelles, depuis 1877 jusqu’à ce jour.
Il s’est écoulé peu d’années sans qu’un certain nombre d’études relatives à l’enseignement de l’art ou à l’esthétique soient parvenues au Comité chargé de l’organisation de la session. Souvent les travaux de cet ordre ont dû être écartés par le Comité, soit que les auteurs eussent négligé d’approfondir leur sujet, soit que, dans leurs travaux isolés, ils n’aient pas tenu un compte suffisant du système actuel d’enseignement des Beaux-Arts, des garanties qu’il présente et des conseils autorisés qui ont la mission de le mettre on oeuvre.
Il n’en est pas de même des travaux relatifs à l’Histoire de l’Art, que nous envoient les Sociétés des Beaux-Arts ou les correspondants du Comité. Depuis onze années, des lectures d’un intérêt constant ont été faites à la Sorbonne sur l’Architecture, la Sculpture, la Peinture, le Dessin, la Gravure, les Arts décoratifs. la Céramique, le Théâtre, la Musique, étudiés dans leurs manifestations locales. Plus d’une biographie d’artiste, écrite à l’aide de documents conservés dans nos provinces, a trouvé heureusement sa place dans le compte rendu publié par l’Administration à l’issue de chaque session.
Le rôle des écrivains qui veulent bien prendre part aux sessions organisées par l’Etat semble nettement tracé par les décisions du Comité. C’est à compléter l’histoire de notre art national qu’ils doivent surtout concourir, par la mise au jour de pièces d’archives, comptes, marchés, actes d’état civil, autographes, et par la description d’oeuvres d’art peu connues.
Le Comité procède à l’examen des manuscrits qui lui sont soumis ; il propose qu’ils soient lus en séance publique, et, s’il y a lieu à raison de leur valeur, insérés in extenso dans le compte rendu de la session, qui est ensuite offert aux auteurs des mémoires publiés.
§ II. – Inventaire général des Richesses d’art de la France.
L’ Inventaire des Richesses d’art de la France est connu. Huit volumes ont déjà été publiés (1er janvier 1888) ; cinq autres sont en cours d’impression. Quatre des volumes achevés intéressent la province. Ils ne renferment pas moins de cent quatre-vingt-dix monographies d’édifices civils ou religieux se rattachant aux départements des Hautes-Alpes, du Doubs, de l’Hérault, de la Loire-Inférieure, du Loiret, de Maine-et-Loire, de la Manche, de l’Oise, de l’Orne, du Rhône, de Saône-et-Loire, de la Seine-Inférieure et de Seine-et-Oise.
L’oeuvre se poursuit activement, mais son caractère essentiellement collectif commande de faire appel à tous les bons vouloirs. D’importants musées, des Hôtels de ville, des Cathédrales, des Eglises plus modestes ont été décrits. L’Administration des Beaux-Arts serait heureuse qu’il parût possible aux correspondants du Comité de stimuler autour d’eux le zèle de collaborateurs compétents, si eux-mêmes n’avaient pas le loisir d’entreprendre les monographies des édifices de leur région.
Des spécimens d’inventaires sont mis à la disposition des collaborateurs de la publication de l’Etat sur leur demande.
Il convient d’ajouter que le concours donné à L’Inventaire des Richesses d’art n’est pan gratuit. Une indemnité de 7fr50 par page d’impression est accordée aux auteurs des monographies publiées.
§ III. – Communications diverses.
En dehors de leur participation à l’Inventaire des Richesses d’art ou aux SESSIONS ANNUELLES de la Sorbonne, les membres non résidents et les correspondants du Comité sont vivement invités à ne pas négliger de faire toute communication de nature à intéresser un des services de l’Administration des Beaux-Arts. Qu’il s’agisse d’un monument ou d’une oeuvre d’art en péril, de Musées à ouvrir, de catalogues à rédiger, de Sociétés à encourager; d’expositions d’Art ou de concours de musique à provoquer, etc., l’Administration s’efforcera de tenir compte des renseignements qui lui auront été transmis.
Les correspondants se rendraient également utiles en tenant, à l’aide de notices sommaires, les membres du congrès au courant des travaux originaux parus dans les Revues de leur région et relatifs aux artistes ou aux monuments provinciaux. On comprend facilement l’intérêt qui s’ajouterait aux comptes rendus des congrès annuels, si, à la suite des communications inédites, on trouvait l’analyse de travaux disséminés dans cent publications différentes.
Enfin, l’attention des collaborateurs du Comité est particulièrement appelée sur les faits qui donneraient lieu à l’application de la loi du 30 mars 1887, dont le texte ont reproduit ci-après (1).
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(1) Pour la régularité de la correspondance, les collaborateurs du Comité sont priés de faire connaître très exactement leur adresse.
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Loi du 30 mars 1887.
CONSERVATION DES MONUMENTS ET OBJETS AYANT UN INTERET HISTORIQUE ET ARTISTIQUE.
Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
TITRE 1er.
CHAPITRE Ier. – Immeubles et monuments historiques ou mégalithiques.
ARTICLE PREMIER. – Les immeubles par nature ou par destination, dont la conservation peut avoir, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt national, seront classés, en totalité ou en partie, par les soins du Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts.
Art. 2. L’immeuble appartenant à l’Etat sera classé par arrêté du Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, en cas d’accord avec le ministre dans les attributions duquel l’immeuble se trouve placé. Dans le cas contraire, le classement sera prononcé par un décret rendu en la forme des règlements d’administration publique.
L’immeuble appartenant à un département, à une commune, à une fabrique ou à tout autre établissement public. sera classé par arrêté du Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, s’il y a consentement de l’établissement propriétaire et avis conforme du ministre sous l’autorité duquel l’établissement est placé. En cas de désaccord, le classement sera prononcé par un décret rendu en la forme des règlements d’administration publique.
ART. 3. – L’immeuble appartenant à un particulier sera classé par arrêté du Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, mais ne pourra l’être qu’avec le consentement du propriétaire. L’arrêté déterminera les conditions du classement.
S’il y a contestation sur l’interprétation et sur l’exécution de cet acte, il sera statué par le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux Arts, sauf recours au Conseil d’État statuant au contentieux.
ART. 4. – L’immeuble classé ne pourra être détruit, même en partie, ni être l’objet d’un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, si le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts n’y a donné sont consentement.
L’expropriation pour cause d’utilité publique d’un immeuble classé ne pourra être poursuivie qu’après que le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts aura été appelé à présenter ses observations.
Les servitudes d’alignement et autres qui pourraient causer la dégradation des monuments ne sont pas applicables aux immeubles classés.
Les effets du classement suivront l’immeuble classé, en quelques mains qu’il passe.
ART. 5. – Le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts pourra, en se conformant aux prescriptions de la loi du 3 mai 1811, poursuivre l’expropriation des monuments classés, ou qui seraient de sa part l’objet d’une proposition de classement refusée par le particulier propriétaire.
Il pourra, dans les mêmes conditions, poursuivre l’expropriation des monuments mégalithiques, ainsi que celle des terrains sur lesquels ces monuments sont placés.
ART. 6. – Le déclassement, total ou partiel, pourra être demandé par. le ministre dans les attributions duquel se trouve l’immeuble classé, par le département, la commune, la fabrique, l’établissement public et le particulier propriétaire de l’immeuble.
Le déclassement aura lieu dans les mêmes formes et sous les mêmes conditions que le classement.
Toutefois, en cas d’aliénation consentie à un particulier de l’immeuble classé appartenant à un département, à une commune, à une fabrique ou à tout autre établissement public, le déclassement ne pourra avoir lieu que conformément aux paragraphe 2 de l’article 2.
Art. 7. – Les dispositions de la présente loi sont applicables aux monuments historiques régulièrement classés avant sa promulgation.
Toutefois, lorsque l’Etat n’aura fait aucune dépense pour un monument appartenant à un particulier, ce monument sera déclassé de droit dans la délai de six mois, après la réclamation que le propriétaire pourra adresser au ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, pendant l’année qui suivra la promulgation de la présente loi.
CHAPITRE II. – Objets mobiliers..
ART. 8. – Il sera fait par les soins du Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, un classement des objets mobiliers appartenant à l’État, aux départements, aux communes, aux fabriques et autres établissements publics, dont la conservation présente, au point de vue de l’histoire ou du l’art, un intérêt national.
ART. 9. – Le classement deviendra définitif si le département, les communes, les fabriques et autres établissements publics n’ont pas réclamé dans le délai de six mois, à dater de la notification qui leur en sera faite. En cas de réclamation, il sera statué par décret rendu en la forme des règlements d’administration publique.
Le déclassement, s’il y a lieu, sera prononcé par le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. En cas de contestation, il sera statué comme il vient d’être dit ci-dessus.
Un exemplaire de la liste des objets classés sera déposé au Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts et à la préfecture de chaque département, où le public pourra en prendre connaissance sans déplacement.
ART. 10. – Les objets classés et appartenant à l’Etat seront inaliénables et imprescriptibles.
ART. 11. – Les objets classés et appartenant aux départements, aux communes, aux fabriques ou autres établissements publics, ne pourront âtre restaurés, réparés, ni aliénés par vente, don ou échange, qu’avec l’autorisation du Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts.
ART. 12. – Les travaux de quelque nature qu’ils soient, exécutés en violation des articles qui précèdent, donneront lieu, au profit de l’État, à une action en dommages intérêts contre ceux qui les auraient ordonnés ou fait exécuter.
Les infractions seront constatées et les actions intentées et suivies devant les tribunaux civils ou correctionnels, à la diligence du Ministre de 1’lnstruction publique et des Beaux-Arts ou des parties intéressées.
ART.13. – L’aliénation faite en violation do l’article 11 sera nulle, et la nullité en sera poursuivie par le propriétaire vendeur ou par le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés contre les parties contractantes et contre l’officier public qui aura prêté son concours à l’acte d’aliénation.
Les objets classés qui auraient été aliénés irrégulièrement, perdus ou volés, pourront être revendiqués pendant trois ans, conformément aux dispositions des articles 2279 et 2280 du code civil. La revendication pourra être exercée par les propriétaires et, à leur défaut, par le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts.
CHAPITRE III. – Fouilles.
ART. 14. – Lorsque, par suite de fouilles, de travaux ou d’un fait quelconque, on aura découvert des monuments, des ruines, des inscriptions ou des objets pouvant intéresser I’archéologie, l’histoire ou l’art, sur des terrains appartenant à l’état, à un département, à une commune, à une fabrique ou autre établissement public, le maire de la commune devra assurer la conservation provisoire des objets découverts, et aviser immédiatement le préfet du département des mesures qui auront été prises.
Le préfet en référera, dans le plus bref délai, au ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, qui statuera sur les mesures définitives à prendre.
Si la découverte a eu lieu sur le terrain d’un particulier, le maire en avisera le préfet. Sur le rapport du préfet et après avis de la commission des Monuments historiques, le Ministre. de l’Instruction publique et des Beaux-Arts pourra poursuivre l’expropriation dudit terrain, en tout ou en partie, pour cause d’utilité publique, suivant les formes de la loi du 3 mai 1841.
ART. 15. – Les décisions prises par le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, en exécution de la présente loi, seront rendues après avis de la Commission des Monuments historiques.
CHAPITRE IV. – Dispositions spéciales à l’Algérie et aux pays de protectorat.
ART. 16. – La présente loi est applicable à l’Algérie.
Dans cette partie de la France, la propriété des objets d’art ou d’archéologie, édifices, mosaïques, bas-reliefs, statues, médailles, vases, colonnes, inscriptions, qui pourraient exister sur et dans le sol des immeubles appartenant à l’Etat ou concédés par lui à des établissements publics, ou à des particuliers, sur et dans les terrains militaires, est réservée a l’Etat.
ART. 17. – Les mêmes mesures seront étendues à tous les pays placés sous le protectorat de la France, et dans lesquels il n’existe pas déjà une législation spéciale.
Disposition transitoire.
ART. 18. – Un règlement d’administration publique déterminera les détails de l’application de la présente loi.
La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l’État.
Fait à Paris, le 30 mars 1887.
JULES GREVY.
Par le Président de la République :
Le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts,
BERTHELOT.