BD, Tome V, Découverte d’un trésor antique à Chalain d’Isoure. – Communication de MM. Thevenet et E. Brassart., pages 77 à 81, La Diana, 1889.
Découverte d’un trésor antique à Chalain d’Isoure. – Communication de MM. Thevenet et E. Brassart.
M. Thevenet ne pouvant assister à la séance, M. Brassart met sous les yeux de l’assemblée les croquis qu’il a envoyés de divers objets antiques découverts à Chalain d’Isoure et fournit en son nom et au sien propre les explications suivantes :
Une ancienne connaissance de la Diana, M. Charles, propriétaire à la Pierre Murée, commune de Chalain, auteur de découvertes de substructions et objets antiques dont M. Thévenet nous a entretenus en 1887 (1), était occupé, au commencement de 1889, à débarrasser un champ qu’il possède, à 300 mètres environ en soir de ses précédentes fouilles, de fondations fort solides qui en entravaient la culture. Le 4 mars 1889, il était arrivé à détruire tout ce qui le gênait, lorsqu’il rencontra, en dehors et à un angle des substructions démolies, une cachette creusée dans le terrain et recouverte par une tuile à rebords entière, mesurant 0m 55 de long sur 0m 32 au petit bout et 0m 36 à l’autre.
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(I) Bulletin de la Diana, t, IV, pages 205 et suivantes, figure et plan.
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De cette cachette sortit le trésor dont voici l’inventaire succinct :
21 bagues, dont 3 en or et 4 en argent, les unes et les autres ornées d’intailles grossières. Ces 7 bagues, d’un très fort volume, sont creuses, formées de feuilles de métal travaillées au repoussé, et remplies à l’intérieur avec de la résine. Les 14 autres bagues sont en argent, unies, et de différents diamètres.
9 bracelets, dont un en argent doré avec fermoir composé de deux petits anneaux que réunissait une chaîne ou une goupille ; 4 en argent, anneaux plats et fermés; 2 en argent, anneaux ouverts, les bouts renflés et ornés de grossières guillochures; 2 autres en argent, ouverts aussi, les bouts terminés en têtes de serpents.
2 colliers en or, le premier formé de dix-huit plaquettes rondes ajourées d’une étoile et réunies par de petits chaînons, longueur totale 0m 44; le second, simple chaîne très mince, longueur 0m 305.
1 pendant d’oreille composé de deux cercles minces réunis par le crochet de suspension.
12 cuillères d’argent, dont 10 du modèle fig. 1689 du Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio, et 2 du modèle fig. 1688 du même ouvrage.
2 passoires en bronze argenté, l’une de 0m 20 de diamètre, percée de trous formant une élégante grecque, l’autre de 0m 11 de diamètre, à trous disposés en rosace. Les queues rappellent celles figurées sous le n° 1731 au mot Colum, dans le même dictionnaire.
10 casseroles, patères et récipients à placer sous les passoires, le tout en bronze. La plupart sont argentés. On remarque une casserole dont la queue porte la marque NIGELLIO F et deux patères à manches ciselés sur leur face supérieure : sur l’un paraît un oiseau aquatique empiétant une guirlande, sur l’autre un oiseau vole au dessus d’un vase.
1 buire ou aiguière en bronze de 0 m 15 de hauteur; Elle est d’un très joli profil et pourvue d’une seule anse latérale finement ciselée ; c’est la pièce la plus artistique de toute la trouvaille.
1 autre vase en bronze ayant la forme d’un entonnoir renversé ; il a une anse ronde latérale ; ce vase contenait des monnaies d’argent dont il sera parlé dans un instant.
4 plats en bronze, dont 3 creux et argentés.
3 seaux en bronze de petites dimensions, anse de suspension mobile, hauteur 0m 15.
1 petite marmite forme tupin, avec anse de suspension mobile, hauteur 0m 18.
Environ 395 monnaies d’argent à bas titre ou billon contenues dans le vase en cône tronqué et ainsi inventoriées par M. Philippe Testenoire-Lafayette (1):
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(1) Forez pittoresque et monuniental, page 424
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Titus (restitution, un seul exemplaire),
Septime Sévère,
Caracalla,
Elagabale,
Julia Soemias (un seul exemplaire),
Alexandre Sévère,
Marnée,
Pupien (un seul exemplaire),
Gordien III,
Philippe père,
Otacilie,
Etruscille,
Hostilien (un seul exemplaire),
Herennius Etruscus,
Trébonien Galle,
Volusien,
Valérien,
Mariniane (deux exemplaires),
Gallien,
Salonine,
Salonin,
Plus une pièce de potin gaulois au type de l’animal cornu, attribuée par M. de Barthélemy aux Eduens et si commune en Ségusiavie.
Environ 1080 monnaies de bronze enfouies à même le terrain, et sur lesquelles M. Philippe Testenoire-Lafayette a reconnu les tètes suivantes:
Domitien (un seul exemplaire),
Adrien,
Sabine,
Antonin-le-Pieux,
Faustine mère,
Marc-Aurèle,
Faustine jeune,
L. Verus,
Lucille,
Commode,
Septime Sévère,
Julia Domna,
Caracalla,
Alexandre Sévère,
Marnée,
Maximin I,
Maxime César,
Gordien III,
Philippe père,
Otacilie,
Dèce (un seul exemplaire).
Sur ces 1080 monnaies on compte à peine une douzaine de moyens bronzes, tout le reste est en grand bronze.
En résumé, cette trouvaille ne contient aucun objet ayant une valeur artistique exceptionnelle, mais elle est très intéressante dans son ensemble. En effet, elle fournit un curieux spécimen de la composition du mobilier métallique d’un gallo-romain vers 260, époque à laquelle l’enfouissement du trésor peut être fixée avec une vraisemblance approchant de la certitude, grâce aux indications fournies par les monnaies en nombre qui en font partie. Cette époque est celle que l’on assigne aussi à divers autres dépôts monétaires trouvés en Forez ; elle dut être marquée par quelque grand désastre public: guerre civile ou incursion de barbares.
Le trésor de Chalain ne présente pas l’liomogénéité de celui de Limes (1). A côté d’objets de bronze d’un style encore empreint des traditions du grand art et qu’on peut croire venus de père en fils à leur dernier possesseur, figurent des bijoux d’une exécution presque barbare et qui font songer à des traditions gauloises encore survivantes après trois siècles d’occupation romaine, ou même à l’art nouveau qui devait éclore sous les influences germaniques à l’époque mérovingienne.
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