BD, Tome V, Vase funéraire peint découvert à Allieu. — Communication de M. Vincent Durand., pages 348 à 352, La Diana, 1890.
Vase funéraire peint découvert à Allieu. — Communication de M. Vincent Durand.
M. Vincent Durand présente le dessin d’un vase provenant d’une sépulture découverte en octobre dernier, à Allieu, dans une tranchée pratiquée pour l’ouverture du chemin d’intérêt commun de SaintGermain-Laval à l’Hôpital-sous-Rochefort, entre les bourgs d’Allieu et de Cezay, au territoire de Rullier, section A, n° 263 du cadastre. Il gisait à une profondeur de 0m50 à 0m60, dans une fosse creusée dans une roche de faible dureté et remplie de cendres, à 2m 80 en midi de l’axe de la route nouvelle, et 5 mètres environ en aval du point ou celle-ci coupe le chemin d’Allieu à Pransimange (1).
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(1) Coordonnées géographiques : long., 1g, 7900 E.; lat., 50g, 8989.
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Haut de 0m 14 sur 0m 21 de diamètre, ce vase a la forme d’une jatte presque hémisphérique, au large orifice bordé d’une baguette. Il a été malheureusement brisé par la pioche des ouvriers, mais a pu être reconstitué dans sa presque intégrité, malgré l’absence de quelques fragments qu’ils ont négligé de recueillir. Les vases antiques de cette forme ne sont pas rares dans notre pays; leur dimension varie de celle d’une petite écuelle à celle d’une grande soupière ; leurs parois sont toujours d’une certaine épaisseur, et l’extérieur en est ordinairement couvert de zônes colorées rouges, blanches et brunes. Le vase d’Allieu est décoré d’après le même principe, mais d’une manière beaucoup plus riche. La partie voisine du fond est peinte en rouge brun. Vient ensuite une zône rouge, divisée en deux par un filet noir. Au dessus, sur une large zône blanche, courent trois bandes de largeur inégale et remplies par des ornements géométriques tracés en noir, au pinceau, avec beaucoup de dextérité. L’inférieure simule un galon chargé de groupes de bâtons contrariés; celle du milieu porte des bâtons tous inclinés dans le même sens ; sur la bande supérieure, la plus large des trois, se déroulent des postes dont le motif générateur est répété sept fois sur la circonférence. Le tracé de ces postes est obtenu très simplement par des triangles curvilignes opposés et côtoyés d’un filet noir sur leur face concave. Des grilles carrées occupent le centre des volutes ; sur le ruban qui les unit des groupes ternaires de bâtons ondulés sont accostés de traits plus fins ondulés aussi. Le haut de la jatte et le rebord sont rouges.
Si, comme je viens de le dire, les jattes ornées de simples bandes colorées s’observent chez nous assez fréquemment, en revanche les vases portant comme celui-ci une plus savante et plus compliquée décoration peinte ne sont pas communs. On a exhumé des pièces de ce genre au Beuvray. Le musée de Roanne en possède deux sorties du sol de cette ville. M. Aug. Chaverondier et moi en avons trouvé plusieurs d’une grande beauté dans l’oppidum du Crêt-Châtelard. M. le docteur Plicque, à Lezoux, et M. A. Bertrand, de Moulins, en ont aussi rencontré. Ce sont des jattes comme à Allieu, ou des vases plus hauts que larges, se rapprochant de la forme ollaire, mais d’un profil d’ordinaire un peu lourd. Ces poteries constituent en céramique une classe bien tranchée, que caractérisent certains détails de fabrication, mais surtout l’emploi exclusif de dessins composés d’éléments géométriques. Il y a là un style à part, dont l’origine ne semble pas encore parfaitement établie : soit qu’il appartienne à un art national, antérieur à la conquête romaine et qui lui aurait survécu; soit qu’il faille y reconnaître des influences parties de la Grèce ou de l’Orient ; soit même qu’il y ait lieu de regarder comme importés quelques-uns des vases ainsi décorés.
Cette dernière hypothèse peut être la bonne dans certains cas particuliers ; quoiqu’il en soit, il est hors de doute que des vases de cette espèce sont sortis des fours de nos potiers gallo-romains. M. Plicque nous apprend qu’il en a été fabriqué à Lezoux (1), et des fragments recueillis par moi-même sur l’emplacement de l’établissement céramique de Montverdun semblent attester qu’en Forez non plus cette fabrication n’a pas été ignorée. J’ai publié dans les Mémoires de la Diana, t. IV, p. 253, les mieux conservés de ces fragments ; sur l’un d’eux figurent des postes presque semblables à celles qui ornent le vase d’Allieu. Ce dernier a été probablement façonné aussi par un potier indigène. En effet, la terre en est, non point précisément mal préparée, mais du moins fort commune et comparable de tout point à celle employée pour les vases de ménage vulgaires. C’est un objet de fabrication courante et à bon marché, reproduisant un type en faveur. D’ordinaire les vases analogues sont d’une terre plus fine.
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(1) Congrès archéologique de Montbrison, 1885. Lezoux, étude de céramique romaine, par le docteur Plicque, p. 290.
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A quelques mètres seulement de la fosse où reposait notre vase peint, une seconde fosse également remplie de cendres a été rencontrée par les ouvriers. Elle renfermait une bouteille cylindrique d’un verre légèrement bleuâtre, dont il n’a été conservé qu’une partie de la panse et le goulot rattaché à celle-ci par une anse striée large et courte. De nombreux et menus fragments de poteries variées l’accompagnaient. Plusieurs ont appartenu à des coupes, assiettes ou salières en terre fine ou même en terre sigillée. Le rebord de quelques-uns était orné de feuilles d’eau. La plupart de ces débris céramiques sont fortement altérés par la potasse des cendres ambiantes. Un dolium, représenté par un petit nombre de tessons, avait peut-être servi d’enveloppe protectrice au vase de verre (1).
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(1) L’inventaire de ces poteries n’a pu être établi que d’une manière très imparfaite, la plupart des morceaux ayant été jetés au remblai, dans lequel j’ai pu en ressaisir un certain nombre, ainsi que quelques débris d’ossements, mais sans pouvoir reconnaître avec certitude ce qui provenait de chaque sépulture.
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A deux cents mètres environ au-dessus et en nord du lieu de la découverte, sur le plateau, le sol recèle de nombreux fragments de tuiles à rebords et de vases divers, dénotant l’existence en cet endroit d’une habitation antique. La tuile à rebords apparaît également sur plusieurs autres points au sud-est du hameau de Pransimange.
La séance est levée.
Les Présidents de la séance,
TESTENOIRE-LAFAYETTE. Vincent DURAND.
Le membre faisant fonction de secrétaire,
Eleuthère BRASSART.