BD, Tome VI, Note sur les travaux exécutés dans la chapelle du petit séminaire de Montbrison pendant les mois de septembre et d’octobre 1892. – Le tombeau des Chappuis. – Communication de M. l’abbé Sachet., pages 345 à 352, La Diana, 1892.
Note sur les travaux exécutés dans la chapelle du petit séminaire de Montbrison pendant les mois de septembre et d’octobre 1892. – Le tombeau des Chappuis. – Communication de M. l’abbé Sachet.
M. l’abbé Sachet prend la parole en ces termes :
« Le 5 septembre 1892, ont été entrepris les travaux d’agrandissement de la chapelle du petit séminaire, agrandissement qui consistait à utiliser la petite cour humide qui lui servait d’atrium, en avançant de 6 mètres la façade, jusqu’à l’alignement du cloître de la cour d’honneur.
Les fouilles de la nouvelle façade n’ont amené aucune découverte importante.
Il nous a fallu cependant, contre notre attente et bien que l’on fût très près de la butte volcanique dont un contrefort fait saillie jusque dans la chapelle, descendre à 3 mètres pour fonder. Encore n’avons-nous pas rencontré le solide du côté du midi.
En pratiquant cette tranchée, nous avons traversé deux pavés successifs, l’un qui s’étendait sur toute la surface de, la cour, à 0m, 40 de profondeur, c’est l’ancien niveau de la chapelle, au temps des Ursulines, l’autre qui régnait seulement le long de la rue Saint-Aubrin à 0m 50 au-dessous du premier.
Arrivés à la profondeur de 3 mètres, nous avons rencontré deux marches de 1m 20 de longueur, reste d’un escalier descenda nt de l’est à l’ouest, et sur lesquelles nous avons fondé.
Enfin nos fouilles se sont heurtées à un mur de 0m, 80 d’épaisseur, en épais moellons de montagne, mur qui courait parallèlement à la rue Saint-Aubrin, à 6 mètres d’elle, et dont nous n’avons pas atteint la base.
Dans tout le déblai, nous n’avons rencontré d’intéressant que trois jetons de compte du XVIe siècle, aux armes de France et de la ville de Paris. Nous nous faisons un plaisir de les offrir à la Diana.
La démolition de l’ancienne façade nous a révélé l’existence de, deux œils de bœuf en brique, placés à. droite et à gauche de la rosace et à 0m, 80 audessous d’elle.
Un peu plus bas, du côté de la rue Saint-Aubrin, la Pioche des démolisseurs a mis. à découvert une biche, vide hélas ! sans doute plaisanterie amère de quelque maçon de l’époque.
Au bas de ce mur, en avant du seuil, étaient abouchés, en guise de dalles, les socles des deux petites colonnes, qui ornaient autrefois la porte de la chapelle et qui. se trouvent aujourd’hui, croyons-nous, dans la galerie est du cloître.
La réfection du plancher a amené des découvertes plus intéressantes.
C’est d’abord l’ancien sol situé à 0m, 60 plus bas que la mosaïque du chœur, c’est-à-dire comme nous l’indiquions tout-à-l’heure, à 0m, 40 au-dessous du plancher.
Les peintures du soubassement se voyaient encore tout le long et jusque sur les dés de pierre servant de base aux colonnes de la tribune. Il n’y a donc pas de doute à cet égard.
Ce niveau, qui est évidemment le niveau primitif, fut maintenu à l’ouverture du collège en 1808. Le docteur Rey qui a été élève du collège avant de l’être du séminaire, l’a connu, et il m’avait signalé l’existence de la pierre tombale dont je vais vous entretenir.
Ce fut en 1824, au moment où le diocèse prit la direction de la maison, que fut établi au-dessus du sol humide le plancher que je viens de remplacer moi-même par un carrelage et un parquet.
Ce sont là des détails de minime importance pour tout autre que pour nous, mais ce qui intéressera, j’en suis sûr, tous les, membres de la Diana, c’est la découverte du tombeau des Chappuis, fondateurs de ce couvent des Ursulines dont nous occupons les bâtiments.
Ce tombeau était situé devant le chœur, à 0m, 65 du sanctuaire et à peu près à égale distance des deux murs.
Il était recouvert par une pierre tombale de 2 mètres de long sur 0m, 96 de large, très simple et, pour cela sans doute, dans un assez bon état de conservation; tout autour, un filet poussé en creux; en haut, un blason parti : au 1er, de… à la fascede… à deux roses de… en chef et une étoile de… en pointe; au 2me, de… au chevron de.. accompagné de trois… de… soutenus ar trois croissants de… (1).
Au-dessous de ce blason, une tête de mort posée sur deux os en sautoir.
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(1) Le premier parti donne les armes des Chappuis de Foris. Quant au second, nous n’avons pu faire l’attribution de.celles qui y sont figurées, car une des pièces est difficile à déterminer. Elles offrent cependant certaines ressemblances avec les armes des Reymond du Bouchet, dont on connaît une alliance avec les Chappuis au commencement du XVIle siècle : d’argent au chevron de gueules accompagné de trois coquerelles de… (et par erreur quelquefois de trois larmes), au chef d’azur chargé de trois étoiles d’or.
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Tous ces ornements sont sculptés avec un relief d’au moins 0m 05, mais il n’y a ni inscription ni date.
Au bas de cette pierre tombale gisait une autre pierre de 1m 22 de long sur 1m14 de large, armée de deux boucles en fer pour la soulever.
Au-dessous, un escalier de cinq marches donnant accès au tombeau par une ouverture de 0m 80.
Le vas des Chappuis a la forme rectangulaire et mesure. à l’intérieur 2m15 x 1m 75. La hauteur des murailles est de 1m 20 ; elles sont recouvertes d’une voûte en maçonnerie dont la flèche est de 0m 50.
A gauche en entrant, c’est-à-dire du côté de l’évangile, nous avons trouvé des planches et des ossements disposés par couches sur une hauteur d’un mètre environ et pouvant représenter les restes de cinq ou six corps.
A droite, une planche ou deux avec quelques ossements, et par dessus, un cercueil en bois de sapin non blanchi, mesurant 1m 81 x 0m 43. Les planches latérales sont infléchies à la hauteur des épaules par un coup de scie, comme cela se pratique encore dans certaines campagnes. La planche de dessus présente la même inflexion à partir de ce point.
Le couvercle était dressé contre la muraille, soit que le cercueil ait été visité en 1824, lors de l’exhaussement du sol, soit qu’il ait été laissé découvert le jour de l’inhumation ; il n’avait certainement pas glissé tout seul, le cercueil présentant la forme d’une caisse carrée et reposant d’aplomb sur le sol.
Les ossements affaissés contre la planche de dessous dessinaient parfaitement la forme du corps, un corps de 1m 70, dont les pieds sont tournés du côté de l’autel.
Seul le crâne et la mâchoire s’étaient séparés de la première vertèbre et avaient versé sur la droite en se séparant.
Les os du thorax et les phalanges des pieds et des mains étaient presque fusés, les gros os des jambes et des bras étaient intacts.
A la hauteur des mains croisées sur la poitrine, s’étalait une basane qui avait autrefois recouvert un volume in-32, peut-être le livre de la règle.
Çà et là des restes d’étoffes, de la toile, des cheveux.
Que pouvaient être tous ces ossements ? Rien dans le caveau n’a pu nous l’indiquer; mais nous apprenons par Broutin (1) que le caveau construit au. milieu de la chapelle du couvent et destiné à la famille de la fondatrice s’ouvrit cinq fois :
Le 16 mars 1631, pour Marie Chappuis la fondatrice, morte à 21 ans, après 18 mois seulement de profession ;
Vers 1700, pour Mlle Chappuis de Foris ;
Le 19 aoùt 1772, pour Mme Marie Guigou des Granges, née Chappuis de Villette, décédée à Montbrison à l’âge de 85 ans ;
Le 24 juillet 1777, pour dame Jeanne-Marie de Foris, âgée de 37 ans, femme de M. de la Pierre de Saint-Hilaire ;
Enfin, en 1788, pour dame Marie-Joseph d’Inguimbert de Pramiral, âgée de 67 ans, supérieure des Ursulines depuis 10 ans.
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(1) Histoire des couvents deMontbrison, p. 92 et 188.
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Cette supérieure n’était point une Chappuis, et M. Broutin estime que cette famille, représentée alors par une jeune fille, était dans un état voisin de l’indigence qui ne lui permit pas de réclamer le privilège de son tombeau : d’autant plus qu’en échange de ce privilège les Ursulines lui offraient un asile et lui donnaient, ce qui valait encore mieux, l’instruction gratuite.
On peut donc supposer que lorsque les religieuses descendirent le corps de leur supérieure dans le caveau, elles poussèrent à gauche tous les ossements des Chappuis, pour installer à droite les restes de cette dernière.
Ainsi s’explique l’amoncellement dont nous avons parlé plus haut, et le cercueil isolé qui lui fait face.
Quant au nombre de corps ainsi enterrés, il nous semble difficile de le limiter à quatre. Comment admettre d’ailleurs qu’aucun membre de cette famille ne mourut entre 1631 et 1700 ? Il nous semble peu probable que le vas des Chappuis, fermé si prématurément sur le corps de la fondatrice, ne se soit rouvert que près d’un siècle plus tard. Il est plus naturel d’admettre que M. Broutin n’a connu qu’une partie de la liste des sépultures; peut-être retrouverait-on l’autre dans le fonds des Ursulines, aux archives départementales.
Quoiqu’il en soit de leur provenance et de leur quantité, nous avons cru devoir respecter ces restes, et sans nous permettre autre chose qu’une visite et une prière, nous avons fait reposer la pierre d entrée à sa même place.
Elle est aujourd’hui sous le chemin. carrelé, devant l’appui de communion, sensiblement en face de la nouvelle porte que nous avons fait pratiquer.
Quant à la pierre tombale, il nous a paru pour le moins inutile de l’enfouir de nouveau sous ce dallage où elle eût été à jamais oubliée. Nous l’avons donc fait retirer et elle se dresse aujourd’hui à l’entrée de la chapelle, au fond du corridor qui y conduit: elle est surmontée des armes des Chappuis que nous avions ramassées déjà dans les décombres ».