BD, Tome VI, Peintures anciennes découvertes dans la maison Latour Durand, annexe de la Diana. Communication de M. T. Rochigneux., pages 122 à 126, La Diana, 1891.
Peintures anciennes découvertes dans la maison Latour Durand, annexe de la Diana. Communication de M. T. Rochigneux.
L’aménagement du galetas de la maison contigüe à la salle de la Diana, en vue de l’installation des ouvrages en double de la bibliothèque de la ville, a amené la découverte, sous plusieurs couches d’enduit et de crépi, de vestiges assez importants d’une ancienne décoration murale qui se développent, par places, sur tout le pourtour de cette vaste pièce et offrent tous les caractères des peintures du XlVe siècle.
Cette ornementation, peinte à la détrempe, en couleurs blanche, jaune, rouge et brun rouge, se compose d’une suite de quatre feuilles disposés au point de rencontre de losanges délimités par des bandes (1); au dessus sont superposées plusieurs zones de bordures et plates bandes au milieu desquelles se déroule, entre deux filets noirs, une élégante frise formée d’enroulements de feuillages digités et d’inflorescences portées sur une longue hampe (2). Cette décoration s’étend actuellement sur 1 45 de hauteur seulement, mais paraît se poursuivre sous le crépi de l’étage inférieur, avec lequel le galetas ne formait jadis qu’une unique pièce, longue de 10m 45, large de 5m 40 et haute de 4m 50.
Les quatre feuilles,, comme les bandes dessinant les losanges, sont peints en couleur blanche et bordés de forts traits noirs; ils encadrent un écusson également peint, qui rappelle absolument ceux de la voûte même. de la Diana par sa forme ogivale et le trait de force noir relevant vigoureusement les contours. Cet écusson, répété partout, porte d’argent à la croix de gueules, et sa répétition semble donner, à la construction et à la décoration, un caractère de propriété personnelle.
Quelle était la destination de cette, pièce et de cette portion de bâtiment? A défaut de l’histoire, muette à cet égard, cherchons dans la topographie et l’analyse des lieux quelques indices pouvant éclairer la question, en dépit des transformations que l’édifice a subies à diverses époques.
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(1) Les losanges, à fond de couleur jaune, semblent avoir reçu une moucheture brun rouge obtenue à l’aide d’une éponge.
(2) Une disposition presque identique et de la même époque se voit, la frise exceptée, sur une ancienne peinture du château de Sury le Comtal reproduite par L. P. Gras. (V. Répertoire héraldique ou armorial général du Forez, p. XVII et pl. I, fig. 3).
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La maison dite Latour Durand, sise, on le sait, dans l’enceinte du cloître Notre Dame, comprend deux corps de bâtiments séparés par une cour aujourd’hui convertie en musée archéologique. La partie sur la rue n’a conservé, à l’extérieur, que sa porte en ogive et, à l’intérieur, de sa destination comme manécanterie, qu’un motet, en l’honneur de sainte Cécile, point sur le mur et daté de 1682.
La partie située à l’est du musée, laquelle fait l’objet de cette communication, se compose notamment, au rez de chaussée, de deux grandes pièces dont chacune, avant la construction des arcades actuelles en 1885, prenait jour à l’ouest par une porte et une fenêtre de dimensions et dispositions dissemblables. La pièce la plus grande, celle de gauche, remaniée plusieurs fois à l’intérieur et dans sa façade, ne présente rien de saillant; celle de droite, qui servait avant la Révolution de préau couvert à l’école canoniale de Notre Darne (1), s’ouvrait par une porte basse surmontée d’un arc surbaissé et d’un écusson plein; elle s’éclairait à l’ouest par une grande fenêtre de bois ornée d’élégants profils d’une bonne époque ogivale, et à l’est, dans un angle, par une autre fenêtre de forme carrée, toujours existante. Un mur de refend, en pisé, sépare encore les deux pièces : il paraît avoir été édifié uniquement en vue, de soutenir le plancher de l’étage supérieur. Celui ci, élevé de 4 25 au dessus du dallage, est en outre supporté par douze poutres entre lesquelles sont disposés des caissons rectangulaires encadrés de baguettes autrefois peintes en rouge.
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(1) De nombreux noms d’élèves de cette institution et des dates s’y lisent encore, tracés à la pointe sur le crépi des murs.
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La vaste et unique salle située au dessus, était éclairée, du côté est, le seul non remanié, par deux croisées impostes en bois ; certains signes relevés sous le plancher et contre la muraille laisseraient croire qu’elle était chauffée par une grande cheminée établie tour à tour vers le centre de la pièce contre la paroi du mur ouest, et au midi contre la muraille même de la salle de la Diana.
Le plafond, dont il ne reste plus trace, devait, à en juger par la situation des fermes, être horizontal; les combles, aérés du côté nord par une baie barlongue, communiquaient avec ceux de la salle des États par une autre fenêtre de forme irrégulière, en bois (1).
A.l’est de cette bâtisse est adossée une construction étroite, allongée et voûtée en berceau, également à deux étages; le supérieur, dont la toiture vient affleurer la base des fenêtres impostes éclairant la salle voisine, est pourvu d’une cheminée dans un angle et d’un placard de pierre; il prend jour au midi par deux petites baies superposées. Cette pièce nous semble avoir eu pour destination de renfermer des objets précieux, de l’argenterie, ou plutôt de servir de salle d’archives (2).
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(1) Nous devons à la vérité d’ajouter que nous n’avons remarqué nul autre vestige de communication avec la salle des États, sur toute la longueur du mur mitoyen: il est vrai que des modifications subséquentes ont pu en faire disparaître la trace.
(2) Chacun de ces étages se termine en nord par un cabinet d’aisances séparé du reste de la pièce par un mur de refend. Circonstances à noter: la chambre voûtée du premier étage est en contre bas d’une ou deux marches de la grande salle; ses murs étaient peints en rouge.
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En résumé, l’analyse de l’ensemble de la bâtisse et de son plan semble révéler certains liens de parenté avec le bâtiment de la Diana : même pauvreté de matériaux de construction, le pisé, même alignement et continuité des principaux murs, communication relative des édifices et similitude d’âge ; elle paraît démontrer de plus que la grande salle Latour-Durand servait de salle, de réunion.
Quant à savoir si cette pièce était une annexe de la salle des États ou peut être la primitive chambre capitulaire de Notre Dame, l’attribution du blason eût pu nous le faire connaître ou tout au moins soupçonner; malheureusement, de ce côté également, il nous a été impossible de découvrir dans les armoriaux et les ouvrages historiques trace du personnage, gentilhomme ou clerc, qui fut l’auteur des peintures, sinon de la construction de l’édifice. Il existe bien deux familles blasonnant d’argent à la croix de gueules, les de Saint Georges établis à Arcinges et Saint André d’Apchon, et les du Vernet, de Néronde ; mais la première de ces familles n’est connue qu’à partir du XVIIP siècle; quant à la seconde, originaire du Bourbonnais et fixée en Forez à une époque indéterminée, nous ne voyons rien encore qui nous autorise à lui attribuer la décoration héraldique que, nous avons décrite (1).
J’ai cru utile de signaler à la sagacité des membres de la Société ce petit problème historique et de montrer les titres dans le passé de la maison Latour à l’honneur d’être aujourd’hui à la fois salle de bibliothèque et d’archives communales, et annexe de la Diana.
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(1) V. L. P. Gras, Répertoire héraldique ou armorial général du Forez, p. 123 et 261.
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