BD, Tome LXIV, SEPT SIECLES DE RELATIONS MOUVEMENTEES ENTRE LE PRIEURÉ DE SAINT-SAUVEUR-EN-RUE ET LA CURE DE RIOTORD, Compte rendu par M. Philippe Pouzols-Napoléon, pages 114 à 154, La Diana, 2005.
SEPT SIECLES DE RELATIONS MOUVEMENTEES ENTRE LE PRIEURÉ DE SAINT-SAUVEUR-EN-RUE ET LA CURE DE RIOTORD
Communication de M. Robert Bergeron
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Prieuré casadéen fondé en 1061, Saint-Sauveur-en-Rue passe en 1607 aux jésuites du Collège de Tournon puis, après la dissolution de la Compagnie de Jésus, aux oratoriens.
A 7 kilomètres en amont de Bourg-Argental, enchâssé entre les lourdes masses du mont Chaussitre et de la montagne de Pyfarat recouverte par l’immense forêt de Taillard, SaintSauveur-en-Rue occupe le bassin supérieur de la Déôme. A proximité, sur la ligne de partage des eaux, le col du Tracol ( 1023 mètres ) fait la limite entre les communes actuelles de Saint-Sauveur-en-Rue (Loire) et de Riotord (Haute-Loire). Ce col permettait aux pèlerins et aux muletiers venus de la vallée du Rhône de rejoindre Le Puy-en-Velay (et, par la ligne de crêtes, le monastère de cisterciennes de Clavas).
L’église du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue (édifice roman consacré vers 1100 par Guy de Bourgogne, archevê
Cette église romane a fait l’objet, avant sa destruction, d’une description par Félix Thiollier dans Le Forez pittoresque et monumental, Lyon 1889 ; pp. 77 à 80.
de Vienne, plus tard pape sous le nom de Calixte II) fut «reconstruite» au début du XXe siècle par Sainte-Marie Perrin, dans un style pseudo roman . Au sud de l’église quelques restes très altérés sont les derniers témoins visibles des anciens bâtiments du prieuré et de son enceinte.
Si les vestiges archéologiques sont rares, il n’en va pas de même pour les sources historiques. A partir d’une copie réalisée au milieu du XVIIe, le Comte de Charpin-Feugerolles et M.-C. Guigue publiaient en 1881 le Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue, recueil de 233 chartes (dont certaines en langue vulgaire de la fin du XIIe siècle) et 85 notices qui couvrent la période 1061-1401. Par ailleurs les archives départementales de la Loire conservent 13 cartons (H 26/1 à 13) de pièces relatives au prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue. Ces pièces concernent essentiellement les XVIIe et XVIIIe siècles mais on y trouve aussi des copies d’actes plus anciens, copies réalisées essentiellement à l’occasion de procès entre les jésuites du Collège de Tournon et les desservants des paroisses dépendantes du prieuré. Citons encore des documents concernant le prieuré de Saint-Sauveur (1 H 293) dans l’important fonds de la Chaise-Dieu conservé aux archives départementales de la Haute-Loire , les archives du Collège de Tournon conservées aux archives départementales de l’Ardèche (pour Saint-Sauveur : D 213 à D 225) et, lorsqu’ils existent, les dépôts des cures qui étaient sous le patronage du prieur de Saint-Sauveur-en-Rue.
Malgré la relative abondance des sources, l’histoire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue et de ses relations mouvementées avec les paroisses qui étaient sous son patronage
Philippe Dufieux : De la restauration à la reconstruction. , Sainte-Marie Perrin et l’église de Saint-Sauveur-en-Rue, Bulletin de la Diana , t. LX n° 2, 2 e trimestre 2001.
reste à écrire. En effet, et à notre connaissance, les publications concernant Saint-Sauveur-en-Rue se limitent à quelques pages de Pierre Roger Gaussin dans Le rayonnement de la Chaise-Dieu , un article de André Coront-Ducluzeau dans la Revue du Vivarais concernant les relations entre le prieuré de Saint-Sauveur et la paroisse de Vanosc et un article fort peu documenté de Elie Jaloustre dans la Revue du Lyonnais . On peut citer aussi quelques notes manuscrites, de MM. Chalayer et de La Tour-Varan .
Notre ambition n’est pas de proposer une histoire événementielle du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue mais plus modestement d’étudier les relations entre ce prieuré et Riotord, une des principales paroisses dont il était patron et décimateur. Mais avant d’entrer dans le détail de ces relations souvent mouvementées, quelques mots sur la fondation du monastère, son influence en Forez viennois et sur la paroisse de Riotord.
* En 1061, au moment où Robert de Turlande est abbé de la Chaise-Dieu , Nous Artaud d’Argental, de l’avis et consentement de Fie notre épouse et de tous nos vassaux d’Argental, pour racheter devant Dieu notre âme et l’âme de tous nos parents, donnons aux Religieux et Communauté du
Pierre Roger Gaussin : Le rayonnement de la Chaise-Dieu , Editions Watel, Brioude 1981, pp. 161 et 475 à 477
André Coront-Ducluzeau, Les soucis d’une communauté rurale au XVIIe siècle, Revue du Vivarais, t. LXXVII n° 3, juillet-septembre 1973.
Elie Jaloustre : Le prieuré de Saint-Sauveur, Revue du Lyonnais, t. XVII, août 1874.
Notes historiques de M. Chaleyer sur Bourg-Argental, Saint-Sauveur… pp. 138 et s. A.D. Loire CH Ms 1557.
De La Tour-Varan : Recherches historiques sur le prieuré et les prieurs de Saint-Sauveur, Bibliothèque municipale de Saint-Etienne Tarentaize, Fonds ancien, Manuscrit n° 188.
Monastère bénédictin fondé en 1043 ; à la mort de Robert de Turlande, en 1067, une quarantaine de prieurés sont déjà dénombrés.
monastère de la Chaise-Dieu , l’église de Saint-Sauveur avec toutes ses appartenances et dépendances … afin qu’il soit établi au dit Saint-Sauveur un monastère des dits religieux pour y élire et fixer leur habitation. Artaud d’Argental concède en outre des droits étendus d’usage sur les eaux et les pâturages de tous les mandements soumis à son autorité, avec le droit aussi de prendre à perpétuité, dans les forêts, tout le bois nécessaire à la construction et au chauffage du monastère et des habitations qui viendraient, dans la suite, se grouper autour de lui. De plus, sur l’avis de Léger, archevêque de Vienne, et ayant appris que les laïcs ne doivent point posséder les églises, il abandonne au monastère toutes les églises qui sont et que nous avons dans notre seigneurie, savoir les églises du château d’Argental, du Bourg d’Argental, de Burdignes (Burdiniaco), de Vanosc (Vanosco), de Riotord (Rivotorto) et de Saint-Genest (Sancto Genesio) et ce avec tous les biens, et droits quelconques qui appartiennent et doivent appartenir aux dites églises. Par ailleurs, tous ceux qui tiennent et possèdent nos fiefs, s’ils veulent les donner ou vendre ou échanger en faveur des dits religieux, il leur sera libre et permis d’aliéner les dits fiefs au profit de la dite communauté sans notre consentement et sans le consentement de nos héritiers. Le fondateur consent aussi que la dite communauté ait et possède les dits fiefs allodiaux francs, exempts de toute redevance envers nous et de quelque manière que la dite communauté puisse les acquérir, voulons qu’elle les possède à perpétuité francs .
Cette importante donation intervient au plus fort du mouvement de restitution des églises privées encouragé par la réforme grégorienne de la seconde moitié du XIe siècle : les seigneurs, qui avaient fondé des églises ou qui s’en étaient emparés par la force, les abandonnent à des établissements religieux, le plus souvent à des monastères. Le Recueil des
Première charte du Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue.
chartes de Cluny nous apprend qu’entre 1049 et 1109 le même Artaldus, miles de Argentaco, et uxor mea Fica et filü mei Ademarus atque Wilelmus donna sept autres églises à Cluny : deux en Viennois, deux en Velay (Grazac et Raucoules) et trois in territorio castri Roannaci sitas. Toujours dans la seconde moitié du XIe siècle, Artaud d’Argental et sa femme Fie approuvent et ratifient le rachat fait par l’abbaye de Saint-Barnard de Romans des églises du mandement de Rochefort (commune de Saint-Félicien, Ardèche). Le fondateur de Saint-Sauveur était certainement un descendant d’un autre Artaud d’Argental qui, au tout début du XIe siècle, fut le premier prince souverain de Royans en Dauphiné et dont la fille Pétronille épousa Guigues IV le Gras, comte de la première génération des dauphins de Viennois . Pour plusieurs auteurs, Artaud d’Argental et ses successeurs (Adhémar puis un autre Artaud) auraient été aussi seigneurs de Malleval. Ainsi d’après l’abbé Etienne Seytre (curé de Bourg-Argental qui, vers le milieu du XVIIIe siècle, se servit d’une vieille chronique latine pour écrire les annales de sa paroisse ) Artaud, second du nom, fit hommage en 1152 de son fief de Malleval et d’Argental à l’Archevêque de Vienne. Anatole de Gallier fait aussi remarquer que cette famille d’Argental s’éteignit vers 1152 et que sa disparition coïncide avec celle des seigneurs de Malleval
Recueil des chartes de Cluny, A. Bernard et A. Bruel, Paris, tome 4 charte n° 3010, pp. 205-206.
P.-E. Giraud : Essai historique sur l’abbaye de Saint-Barnard et sur la ville de Romans, Lyon 1856-1869, t. II/2, n° 274.
Jean Gueydan : Les princes souverains de Royans (Argental, Chapteuil et Bérenger), dans Généalogie et Histoire , n° 118, pp. 4 à 7.
Abbé Seytre : Histoire de Bourg Argental, de sa justice et seigneurie, tirée des anciens mémoires et archives de ladite ville et maisons nobles, 1743, Bibliothèque municipale de Saint-Etienne Tarentaize, Fonds ancien, Manuscrit n° 75.
Anatole de Gallier : Une page de l’histoire du Viennois à la part du Royaume : les Pagan et les Retourtour, Recueil des mémoires et documents sur le Forez, Société de la Diana , t. II – 1875.
qui ne faisaient probablement qu’un avec eux, et la guerre de succession, qui eut lieu alors, concernait sans doute aussi bien Argental que Malleval. On nous a laissé ignorer le nom des parties belligérantes, mais il est à supposer que le litige s’agitait entre les comtes de Forez et les dauphins, prétendant les uns et les autres à la mouvance de ces terres, et que les difficultés furent tranchées par l’arbitrage de l’Eglise de Vienne. Cette famille d’Argental s’éteignit en effet vers le milieu du XIIe siècle avec Béatrix, héritière des seigneurs d’Argental, qui épousa Aymon Pagan, seigneur de Mahun.
* Les églises restituées par Artaud d’Argental dans la charte de fondation du prieuré de Saint-Sauveur appartenaient à trois diocèses :
– au diocèse de Vienne : chapelle du château d’Argental, églises de Bourg-Argental, de Burdignes et de Vanosc ;
– au diocèse du Puy : église de Riotord (donation approuvée vers 1087 par Adhémar de Monteil, évêque du Puy) ;
– au diocèse de Lyon : église de Saint-Genest-Malifaux.
Vers 1090, Guy de Bourgogne, archevêque de Vienne, en consacrant l’église du prieuré de Saint-Sauveur, lui fait donation des églises de Saint-Julien-Molin-Molette, de Saint-Appolinard et de Saint-Julien-en-Goye (aujourd’hui Savas) . En 1170, Guillaume, archevêque de Vienne, lui donne l’église de Vocance . En 1254 le prieuré de Colombier est uni à celui de Saint-Sauveur parce que ses revenus ne suffisaient plus à l’entretien de deux moines . Quant à l’église de Marlhes (diocèse du Puy), qui figure dans les possessions de Saint-Sauveur confirmées par le pape Clément VII en 1267 , elle pose
Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue, charte n° LXXI, p. 29.
Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue, charte n° C, p. 47.
Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue, charte n° CXXIV, p. 73.
Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue, charte n° CLXVII, p. 126 à 129.
un problème particulier. En effet, dans sa donation de 1061, Artaud d’Argental, abandonnant à la Chaise-Dieu omnes ecclesias quae sunt in meo senioratico, ne cite pas l’église de Marlhes qui pourtant était située dans sa seigneurie (mandement de la Faye ). On doit donc en conclure, qu’à cette date, il n’y avait pas encore d’église à Marlhes. D’ailleurs le Cartulaire de SaintSauveur-en-Rue montre que la dîmerie de l’église de Marlhes va se constituer progressivement à la fin du XIe siècle par donations et ventes de dîmes inféodées . Aux marges de trois diocèses, ces églises étaient situées dans les mandements d’Argental, de la Faye , d’Annonay et de Malleval, et donc dans la mouvance des dauphins de Viennois. Ainsi le 10 mai 1269, Guigues, dauphin de Viennois et comte d’Albon, confirme les concessions faites jadis au prieuré de Saint-Sauveur par les seigneurs d’Argental et tous les droits que les religieux avaient in mandamentis d’Argentau & de la Faya , de Annoniaco & de Mallavalle . En 1296, lorsque Humbert, dauphin de Viennois, maria sa fille Alix à Jean, comte de Forez, il lui donna, entre autres, le mandement de Malleval, les droits de suzeraineté sur les châteaux d’Argental et de la Faye et les droits de foi et hommage sur Saint-Sauveur. Ce sont ces territoires du Forez viennois qui constitueront les ressorts de Malleval transférés à Saint-Appolinard puis à Bourg-Argental où sera érigé, en 1532, un bailliage royal.
* Durant tout l’Ancien Régime, Riotord (tout comme les paroisses voisines de Marlhes et de Jonzieux) fut une paroisse
n° XXXVIII, p. 17 (vers 1080, Guillaume Ansal donne le quart de la dîme de Marlhes), n° XXXIV, p. 15 (vers 1095, Bernard Arric donne le quart de la dîme de Marlhes), n° XIV, p. 7 (vers 1095, Guillaume le Porc vend, pour 600 sous, la moitié de la dîmerie de Marlhes).
Le mandement de la Faye s’étendait sur les paroisses de Marlhes, Saint-Just-les-Velay, Riotord et Saint-Genest-Malifaux.
Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue, charte n° CLXVI, p. 125-126.
du diocèse du Puy. La notice descriptive de la paroisse de Riotord rédigée vers 1760 par Louis Pauze , curé de Riotord, pour les Bénédictins de Saint-Maur nous apprend que la paroisse de Riotord est fort vaste mais elle n’est pas peuplée. Il y a environ mille communiants. Elle est située dans des montagnes à l’extrémité du Velay vers le Forez. Elle s’étend dans les deux provinces en sorte que le bourg de Riotord qui est composé de 67 maisons, est en partie Velay et en partie Forez. La rigole de la principale rue en fait la limite… L’église paroissiale est située dans la partie de Forez… La paroisse est du diocèse du Puy, archiprêtré de Monistrol. Elle est à l’extrémité du diocèse du côté du Forez et elle est limitrophe avec Notre-Dame-de-Vanosc et Saint-Sauveur-en-Rue… Le Tracol de Saint-Maximin fait la limite des paroisses de Riotord et de Saint-Sauveur-en-Rue .
Ce sont les relations, souvent mouvementées, entre cette paroisse et le prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue que nous nous proposons d’étudier. Pour ce faire, nos recherches ont porté essentiellement sur l’important fonds Saint-Sauveur H 26 des Archives Départementales de la Loire et sur les archives de la cure de Riotord dispersées entre les Archives Départementales de la Loire (1 J 136/1 essentiellement) et de la Haute-Loire (V dépôt 77 et 18 J 308-309 ).
Le prieuré-cure de Riotord
Dans les années qui suivent la fondation de Saint-Sauveur, de nombreuses donations seront faites entre les mains des premiers prieurs. Ainsi, entre 1080 et 1095, nous relevons dans le Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue plusieurs donations sur la paroisse de Riotord. Lautard Combret donne
Curé de Riotord de 1760 à 1813.
Tablettes Historiques du Velay, t. VI 1875-1876, p. 281-283.
A.D. Haute-Loire, 18 J 308-309 : copies d’actes (souvent disparus aujourd’hui) et notes de Jean-Marie Convers, magistrat originaire de Montfaucon.
son domaine de Couvent pour le repos de son âme et celles de ses parents (n° III, p. 4), Berthe Jorec qui se fait religieuse donne la terre de Montcenis (n° V, p. 4), Albert Loup donne une maison et un jardin près de Saint-Meyras (n° IV, p. 4), Guigues Isarne donne au prieur Gaston le droit qu’il avait au Fressinet pour la paix de l’âme de sa femme (n° VI, p. 5), Humbert Chanton d’Argental donne le quart de la dîme de Riotord qu’il avait acquis de Stéphane Arric (n° XXXV, p. 15).
Mais, sur la paroisse de Riotord, le prieur de Saint-Sauveur n’était pas le seul décimateur. En fonction de sa situation géographique une terre pouvait aussi être redevable de dîmes à l’abbaye de moniales cisterciennes de Clavas ou encore aux Templiers de Marlhes. Durant la deuxième moitié du XIIIe siècle les conflits sont fréquents et aboutissent souvent à un partage des dîmes sur un même lieu. En juillet 1248, Jaucerande, prieure de Clavas , transige avec Arthaud Pagan, prieur de Saint-Sauveur, au sujet de la dîme des agneaux et pourceaux de la grange des Mazeaux : elle consent à ce que le prieur perçoive chaque année quatre agneaux et deux petits pourceaux dans cette grange, et, à leur défaut, quatre sous de la monnaie de Vienne pour les quatre agneaux et deux sous pour les deux pourceaux (n° CXVIII, p. 68). Le 20 octobre 1273, nouvelle transaction entre Artaud de Mastre, prieur de Saint-Sauveur, et le chapelain de Riotord d’une part et Albone, abbesse de Clavas, et le chapelain de l’abbaye d’autre part : les limites fixées jadis pour la perception des dîmes afférentes aux deux monastères sont confirmées et désormais le chapelain de Clavas n’administrera
Cédées à des vassaux, fractionnées à l’occasion de partages successoraux, les dîmes inféodées sont disséminées entre de multiples ayants droit laïcs ; par rachats ou donations, le prieuré va s’efforcer de les récupérer.
Sur l’abbaye de Clavas (commune de Riotord) lire : Robert Bergeron : L’abbaye cistercienne de Notre-Dame de Clavas au XVllIe siècle dans Cahiers de la Haute-Loire , année 2002, pp. 237 à 264 – L’abbaye cistercienne de Notre-Dame de Clavas aux XVIe et XVIIe siècle dans Cahiers de la Haute-Loire , année 2004, pp.5 à 78 .
plus les sacrements aux habitants laïcs du territoire de Clavas ; ceux-ci seront tenus, à moins de circonstances de force majeure, de se rendre à l’église de Riotord et ainsi de contribuer au seul casuel de cette paroisse, donc au bénéfice du prieuré de Saint-Sauveur (n° CLXIX, p. 133). En juin 1277, Artaud de Mastre, prieur de Saint-Sauveur, transige avec Jourdain de Cereys, précepteur de la milice du Temple du Puy, au sujet des dîmes des églises de Riotord, Marlhes et Saint-Romain-Lachalm (notice n° 6, p. 227). Une sentence arbitrale rendue entre les mêmes, le ler septembre 1281, prévoit, entre autres, que le précepteur du Temple recevra 6 mesures de seigle sur les redevances que le prieur de Saint-Sauveur perçoit sur le curtil de Ravarines (n° CLXXI, p. 137).
De nombreux autres actes du Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue citent bien d’autres lieux de la paroisse de Riotord : des granges dépendant de l’abbaye de Clavas (Grangia des Sotons : les Sétoux ; Grangia de Cercenacio : Cercenas ; Grangia de Ermeto : L’Hermet ; Grangia de Giureto : Giorec ; Grangia de Mazalis : Les Mazeaux) ; Terra de Carbone : la terre de Courbon où l’on devait produire du charbon de bois ; Podio Sotis : le Grand Souhait ; le mansus del Boschet : le Bouchet…
Le maillage du territoire de la paroisse de Riotord était donc relativement serré puisque de nombreux villages et hameaux actuels existaient déjà. L’essor économique et démographique amorcé dès le Xe siècle avait certainement rendu trop exigus les premiers sanctuaires des communautés rurales. C’est probablement dans la deuxième moitié du XIIe siècle que les moines bâtisseurs de la Chaise-Dieu entreprirent la construction de l’église actuelle de Riotord. Cet édifice roman comprenait primitivement une nef de deux travées seulement et un grand transept sur lequel s’ouvrent une abside et deux absidioles. L’abside, d’une largeur égale à celle de la nef, est ornée intérieurement de cinq arcades en plein cintre reposant sur des colonnes ornées de chapiteaux sculptés. Elle est voûtée en cul-de-four et percée d’une seule fenêtre axiale. Cette fenêtre est entourée, à l’extérieur, d’une archivolte reposant sur des colonnettes à chapiteaux décorés de volutes . De chaque côté de l’archivolte ressortent deux têtes de monstre (celle de gauche est très abîmée). Le transept, dont les bras se terminaient à l’origine par un mur plat, est couvert d’un berceau plein cintre. Cet édifice, remarqué par Prosper Mérimée lors de son voyage en Velay, fut classé Monument National dès 1840. Mais des travaux réalisés en 1872-1874, sans l’accord des Monuments Historiques, conduisirent à son déclassement en 1905. Aujourd’hui, seuls les chapiteaux romans de la croisée du transept et du portail sont classés.
* En passant des mains d’un seigneur laïc à l’abbé de la Chaise-Dieu représenté par le prieur de Saint-Sauveur, Riotord devient un «prieuré-cure» . Dans un premier temps, on peut penser qu’un moine dépendant de Saint-Sauveur menait sur place une vie régulière tout en assurant le service de la paroisse. Mais plusieurs conciles (Autun en 1094, Bourges en 1100, et surtout Latran I en 1123) avaient exigé que les moines patrons désignent un prêtre séculier pour assurer le ministère dans les paroisses qui leur appartenaient. Le prieur de Saint-Sauveur reste le « curé primitif » mais il doit déléguer les charges ordinaires du ministère paroissial (la cura animarum, le soin des âmes) à un curé, prêtre séculier, qui, dans les actes officiels, porte le nom de « vicaire perpétuel ».
Présentés par le prieur de Saint-Sauveur, patron de la paroisse, les desservants de l’église de Riotord doivent,
Réemplois d’un édifice plus ancien, ces colonnettes, de même que le petit appareil situé sous cette fenêtre axiale, pourraient être les ultimes témoins de l’église primitive.
Vers 1260, à l’apogée de la congrégation de la Chaise-Dieu , on estime que plus de 500 églises étaient sous son patronage direct (églises rattachées directement à l’abbaye-mère) ou indirect (églises rattachées à un prieuré casadéen).
conformément à la législation canonique, obtenir la confirmation de l’évêque du Puy. Les Archives Départementales de la Haute-Loire conservent, en date du 23 avril 1505, une collation de la cure de Riotord sur présentation du prieur de Saint-Sauveur, par Jean , évêque de Troyes et vicaire général de Geoffroy de Pompadour, évêque du Puy, en faveur de Claude de Saint-Nectaire (Claudio de Sancto Necterio), clerc, en remplacement d’Antoine Dabert, résignataire. La cérémonie d’investiture relatée par ce document est non moins originale que la forme de résignation : Cette église paroissiale de Riotord (Rivitorti), appartenant au diocèse du Puy, est aujourd’hui libérée par la résignation volontaire qu’en fait Monsieur Antoine Dabert, dit Férial, dernier possesseur de ladite église. Michel Desserpens, représentant de Dabert ayant mandat spécial pour ce faire dépose entre les mains de l’évêque, selon la tradition, la barette du démissionnaire. Quant à la possession réelle, actuelle et corporelle de ladite église et des droits et de ce qui s’y rapporte, elle s’accomplit par la remise de l’anneau pastoral dans les mains du représentant de Claude de Saint-Nectaire. Ce texte permet aussi de constater que l’évêque pouvait refuser la confirmatio au candidat présenté par le patron a : La présentation de cette église paroissiale de Riotord revient au prieur de Saint-Sauveur-en-Rue, mais son institution et sa disposition entière sont reconnues nous appartenir (à nous, évêque du Puy). Cette église libre à présent, c’est, bien qu’en votre absence, à vous que nous trouvons capable et apte à la régir et à la gouverner à la fois, que nous la conférons… puisque nous avons été fidèlement informés par des témoignages dignes de foi de l’honnêteté de votre vie et de vos mœurs et des autres mérites en fait de vertus, mérites par
Archives Départementales de la Haute-Loire , H 293.
Jean de Beulenc, dit de Pressuris, évêque de Troyes qui depuis 1493 gouverne de fait le diocèse du Puy.
Sorte de bonnet ou calotte souple qui couvrait la tête.
lesquels Celui qui les répand a distingué votre personne… . Suite à cette cérémonie, l’évêque de Troyes, suffragant et vicaire général spirituel et temporel de Geoffroy de Pompadour, délivre, le 11 août 1505, les lettres de provision de Claude de Saint-Nectaire à la cure de Riotord .
A titre de «curé primitif», le prieur de Saint-Sauveur devait jouir de tous les revenus de la cure (les dîmes essentiellement). Mais, lorsque la desserte des paroisses est transférée à des vicaires perpétuels, le curé primitif va se trouver dans l’obligation de pourvoir à leur entretien. Les prieurs de Saint-Sauveur vont alors faire abandon des dîmes aux desservants des églises dépendantes du prieuré, moyennant le versement par ceux-ci d’une redevance annuelle forfaitaire. Les premières chartes du Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue qui évoquent cette pratique datent de 1276 à 1283, alors que Artaud de Mastre était prieur. Elles concernent les paroisses de Saint-Julien-Molin-Molette (n° CLXXXCIII p. 168), de Vanosc et Vocance (n° CCXXXI p. 216) et du bourg d’Argental (n° CCXV p. 201). Chaque fois, le curé chapelain reconnaît qu’il tient en bénéfice personnel du prieur de Saint-Sauveur les dîmes de sa paroisse, moyennant un modique cens annuel essentiellement en nature.
Ensuite, entre 1317 et 1338, alors que Guy de Vassel est prieur de Saint-Sauveur, sept notices viennent préciser cet usage. La formulation en est un peu différente : le prieur donne viagèrement à ferme et en bénéfice personnel les dîmes de la paroisse contre paiement d’une redevance annuelle. Mais surtout les redevances exigées semblent plus importantes. Ainsi pour la paroisse de Vanosc, elles passent de 30 setiers de seigle, 2 setiers de froment, une émine de fèves et deux sommées de vin (en 1278) à 46 setiers de seigle, 4 setiers de froment, une émine
Archives Départementales de la Loire , H 26/8.
Elles concernent les paroisses de Marlhes (n° 32, 45 et 55), de Riotord (n°44 et 46), de Saint-Julien-Molin-Molette (n° 27) et Vanosc (n° 33) .
de fèves et deux sommées de vin (en 1320). Conclues intuitu personae ces transactions sont renégociées lors de chaque changement du titulaire de la cure. Ainsi, concernant la paroisse de Marlhes :
– en 1317, Vincent de Fabrica reconnaît tenir de Guy de Vassel, prieur de Saint-Sauveur, la perception des dîmes et des autres revenus de l’église de Marlhes et les prend en ferme du prieur sous la pension annuelle de 28 setiers et une émine de seigle, de 3 émines de froment, de 3 setiers d’avoine (mesure d’Annonay) et de 100 œufs (notice n° 32 p. 239) ;
– le 26 août 1326, Guy de Vassel, prieur de Saint-Sauveur, donne viagèrement à ferme à André de Poyet, curé de Marlhes, les dîmes et autres revenus de l’église de Marlhes, sous la prestation annuelle de 36 setiers de seigle, de 2 setiers de froment, de 4 setiers d’avoine (mesure de Saint-Sauveur) et de 100 œufs (notice n° 45 p. 245) ;
– le 2 septembre 1338, Guy de Vassel, prieur de Saint-Sauveur, donne viagèrement à ferme, en bénéfice personnel, à Jean Tourte, curé de Marlhes, les dîmes, oblations, droits de sépultures et autres revenus de l’église que le prieur de Saint-Sauveur avait le droit de percevoir de toute antiquité, moyennant la redevance annuelle de 30 setiers de seigle, de 4 setiers de froment, de 12 setiers d’avoine (mesure de Saint-Sauveur), de 80 sous tournois et 100 œufs de poule (notice n°55 p. 250).
Même constatation pour Riotord : le 28 octobre 1325, Guy de Vassel, prieur de Saint-Sauveur, donne à ferme et en bénéfice personnel à Jean Gornat tous les produits des dîmes de Riotord, sous une prestation annuelle de 90 setiers de seigle, 4 setiers de froment (mesure de Saint-Sauveur) et 10 sous tournois pour sépulture à chaque fête de Toussaint, 10 agneaux à chaque fête de saint Jean-Baptiste (patron de la paroisse) et 100 œufs à Pâques (notice n° 44 p. 244). Une nouvelle transaction, reprenant les termes de la précédente, est conclue, le 8 août 1327, avec Jean de Terriat, nouveau curé de Riotord (notice n° 46 p. 245). Remarquons que la redevance exigée des curés de Riotord est la plus élevée de toutes celles citées dans le Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue .
Les troubles du XVe siècle
Une des dernières notices du Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue nous apprend qu’en 1390, hoc occasione belli quod exortum inter Gallos & Anglos, le prieur Bernard Vigier avait fait reconstruire le prieuré et le château de Saint-Sauveur et entourer la ville de fossés et de tours . Lorsque le siège prieural est vacant, le seigneur de Bourg-Argental obtient la garde du prieuré. Ainsi le 18 novembre 1440, Bermont de Bionne, seigneur d’Argental, est maintenu en possession de la garde du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue jusqu’à ce que le débat entre Guillaume de la Farge et Antoine d’Urfé, prétendant tous deux à ce prieuré, ait été vidé par le Parlement . Antoine d’Urfé finit par l’emporter et se fit reconnaître pour prieur en 1458. Mais il était décédé en mars 1460. Marguerite de Montchenu, veuve de Bermont de Bionne, par lettres patentes du Roy du 26 juillet de la même année, est receue à opposition sur le saisissement et garde des commissaires establiz par le juge de Velay au prieuré de Saint-Saulveur . On peut penser que les vicaires dépendant de Saint-Sauveur durent profiter de cette longue querelle entre Guillaume de la Farge et Antoine d’Urfé pour tenter de se soustraire à leurs obligations envers leur légitime patron.
Reynaud de Chauvigny de Blot succède à Antoine d’Urfé. Sur résignation de son oncle, Hugues de Blot, il devient abbé de la Chaise-Dieu en 1465 tout en restant prieur de Saint-Sauveur. Il apparaît comme un administrateur efficace, soucieux de rétablir la situation financière du prieuré. Les archives départementales de la Loire conservent deux copies d’une
Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue, notice n° 76 p. 260.
Huillard-Breholles : Titres de l’ancienne maison ducale de Bourbon , Paris 1874, n° 5631.
Jacques Luillier : Inventaire des titres du Comté de Forez fait en 1532 lors de la réunion du Comté à la Couronne de France, 1860, n° 453, p. 128.
transaction du 23 juillet 1476 entre le prieur de Saint-Sauveur et Pierre Folhat, curé de Riotord .
Ce texte commence par rappeler que tous les revenus des églises dépendantes du prieuré ont toujours appartenu, et doivent appartenir, à Saint-Sauveur. Mais ces revenus furent jadis donnés à ferme, à quelques vicaires pour le temps de leur vie, et à d’autres pour un temps déterminé. Et interim eidem prioratus plures sinistres eventus acciderunt, quodque percadent tempora et praesertim ab anno millesimo quadringentesimo… que praefatus Reginaldus dictum prioratum assecutus extitit ipso prioratus litigiosus fuit et letigiorum hujus modi sumpta occasione non nulli temporales manu armata dictum prioratum ejus que fortalitium invaserunt et litteras scripturas res et bona alia ibidem existentia secum deportaverunt. Ab proptercia praefatus Reginaldus abbas de locationibus ante dictis, dictis vicariis de decimis ac fructibus hujus modi factes, docere non potet. Quidam ecclesiarum praedictarum vicarii scilicet de Argentano, Burgi Argentat, Sancti Appolinaris, de Burdiniaco, de Vanosco, de Vallantua, de Rivetorto, Marliarum praescriptionem allegant dictum Reginaldum decimat et fructus hujus modi percipere et levare non permittunt… .
Copies de juin 1588 (AD Loire, H 26/12) et de 1592 (AD Loire, H 26/8).
« Et entre temps, plusieurs évènements funestes arrivèrent à ce même prieuré, comme il en survient à chaque époque, et surtout dans les années 1400… Le susdit Reynaud ayant obtenu ledit prieuré, il se trouva que celui-ci fut l’objet de litiges et, ayant saisi l’occasion de ces litiges, quelques laïcs avec une troupe en armes envahirent ledit prieuré et son château et emportèrent avec eux des manuscrits et d’autres biens qui se trouvaient au même endroit. Et, pour cette raison, à propos des arrentements susdits avec lesdits vicaires, concernant la façon de prélever les dîmes et les revenus, le susdit abbé Reynaud ne peut pas présenter les documents. Alors certains vicaires des églises susdites, à savoir de Bourg-Argental, Saint-Appolinard, Burdignes, Vanosc, Vocance, Riotord et Marlhes font valoir les écrits antérieurs et refusent audit Reynaud le droit de percevoir et de lever la dîme et les revenus… »
Ce document nous apprend donc que, succédant à d’autres troubles, le prieuré et son château furent envahis et pillés par une troupe en armes alors que Reynaud de Chauvigny de Blot était prieur. Nous savons aussi que, vers 1469, le village de Saint-Sauveur-en-Rue fut la proie des flammes. En effet, en mars 1489, Charles VIII autorise la création, à Saint-Sauveur, d’un marché chaque vendredi et de deux foires annuelles, considérant qu’en ce lieu soulait avoir une bonne petite ville, laquelle par fortune de feu fut, il y a XX ans, arse et brullée, et n’y demoura que bien peu de maisons, mais toutes voyes depuis les habitants dudit lieu se sont efforcez de réeddifier et rebastir leurs dites maisons en manière que ladicte ville est de présent en assez bonne valleur . Ces événements sont-ils à rapprocher des troubles occasionnés, en 1465, par la guerre des princes membres de la ligue « du bien public » contre Louis XI ? On sait, en effet, que pour prendre à revers les troupes de Jean II, duc de Bourbon et Comte de Forez, le roi fit appel aux troupes de son ami le duc de Milan : cinq mille hommes, aux ordres de Galeazzo Maria Sforza, après avoir traversé le Dauphiné, se répandirent en Lyonnais et en Forez, y causant de multiples désastres. D’après Jean-Marie de La Mure , les Lombards s’étant épanchés en l’an 1465 et ayant poussé leurs courses jusqu’au mont Pila, furent défaits par ceux du pays, qui leur résistèrent vigoureusement, et les ayant investis en ces lieux montueux, les taillèrent en pièce auprès dudit mont, en un lieu qui avoisine la paroisse de St Genest Maillefaux, lequel en mémoire de cette défaite a retenu et porte encore aujourd’hui le nom de cimetière des Lombards, pour le grand nombre qui y demeura et y fut enterré .
Cité par Augustin Chassaing dans Le livre de Podio ou Chroniques de Etienne de Médicis, bourgeois du Puy, le Puy, 1869, t. IV, p. 337 (JJ. reg 220, n° 360).
Jean-Marie de La Mure : Histoire des ducs de Bourbon et Comtes de Forez, 1860, t. II, p. 59 71.
Toujours est-il que, profitant de ces troubles, qui avaient probablement provoqué l’abandon temporaire du prieuré, les curés des paroisses dépendantes refusèrent le paiement des redevances dont les montants, en ces temps de crise, pouvaient être supérieurs aux dîmes prélevées sur leurs paroissiens. Renaud de Blot de Chauvigny pour préserver les droits du prieuré dont les titres avaient été détruits, obtient du pape Sixte IV des lettres apostoliques portant commission pour réunir au prieuré les dîmes et autres biens qui en avaient été détachés et l’autorisant à passer de nouveaux arrentements avec les vicaires perpétuels dépendant de Saint-Sauveur. Ces lettres sont adressées à Joannes de Marsenaco Dei et sanctae apostolicae sedis gratia abbas regularis monasteri manciaci cluniacensis ordinis diocesis claromontensis. C’est sous ses auspices que sera conclue la transaction du 23 juillet 1476 entre Jean d’Yssartel et Claude de Prato, respectivement procurateurs du prieur de Saint-Sauveur et de Pierre Folhat, curé de Riotord. D’après ce qui fut et ce qui est, et parce que les conclusions des jugements sont incertains, les dites parties sont venues volontairement à la paix et à la concorde, évitant le procès et les contestations. Pierre Folhat, vicaire perpétuel de l’église de Riotord, suivant les traces de ses prédécesseurs, reconnaît que la dite église est et a été de toute antiquité du patronage du prieur de Saint-Sauveur… et que les revenus de l’église de Riotord, quels qu’ils soient, et leur perception, sont toujours revenus et doivent revenir au prieuré de Saint-Sauveur et à son prieur, maintenant et à perpétuité. En contrepartie de cette reconnaissance, le prieur accepte de délaisser par manière de ferme ou assence ou arrentement audit Folhat sa vie durant ou tant qu’il serait curé ou vicaire perpétuel de Riotord la totalité des revenus de la cure, et ce moyennant que ledit Folhat, pendant le cours de sa ferme, payerait annuellement pour loyer au prieur de Saint-Sauveur : 116 setiers de seigle, 4 setiers de froment mesure de Saint-Sauveur et dix
Certainement Mozac, à proximité de Riom (Puy-de-Dôme).
sols tournois à chaque fête de Toussaint, 100 oeufs à chaque fête de Pâques et 14 agneaux teneros et lanutos à chaque fête de la nativité de Saint Jean-Baptiste. Remarquons que la prestation annuelle prévue par cet arrentement est légèrement supérieure à celles établies par les transactions de 1325 et 1327, puisqu’on passe de 90 à 116 setiers de seigle.
La cure de Riotord devait aussi fournir une pension au prieuré casadéen de Dunières (fondé entre 1164 et 1184) comme nous l’apprend une reconnaissance du 19 juillet 1554 de Hugues de Combladour, abbé de St Pierre la Tour et curé de lesglize parochelle de Riotord, dioceze du Puy, habitant de la ville du Puy, de gré et librement pour luy et les siens à ladvenir a recogneu et confessé debvoir et ses prédécesseurs du passé avoir recogneu et confessé debvoir audit noble Nicollas du Fay prieur du prieuré St Martin de Dunières, archipretre de St Flour, à raison de son prieuré… la pension annuelle que ledit Curé de Riotord chacun an faict et est tenu faire audit sieur prieur à raison de son prieuré de Dunière, ainsy que ses prédécesseurs faisaient et sont tenus faire payable ladite pention annuelle de six sols et six deniers tz audit prieur et à ses successeurs recepveurs annuellement et à perpétuité et tout temps chacun an et feste de Toussaints dans ledit prieuré de Dunière . En 1611, alors que le prieuré de Dunières était passé aux jésuites du collège de Lyon, Jean du Villar, curé de Riotord, renouvelle dans les mêmes termes la reconnaissance de Hugues de Combladour . On peut penser que cette pension annuelle était la contrepartie des dîmes perçues par les curés de Riotord sur les habitants de leur paroisse dépendants de la directe du prieuré de Dunières (par exemple le hameau de l’Olagnier, rattaché en 1520 au prieuré de Dunières ).
Réforme et Contre Réforme
* Riotord, situé à la limite des provinces tenues par les protestants, eut à subir plusieurs incursions des troupes huguenotes durant la période troublée des guerres de religion (1562-1598). Ainsi, après les défaites de Jarnac et Moncontour en 1569, l ‘armée de l’Amiral de Coligny se replia vers Montpellier et Nîmes, puis remonta la vallée du Rhône au printemps de 1570. Le 24 ou le 25 mai il rejoignait Henri de Navarre arrivant d’Aubenas avant de prendre et occuper Saint-Étienne. Fin mai, à partir de Saint-Étienne, les troupes protestantes se répandirent dans les campagnes environnantes, pillant les villages et les hameaux et livrant aux flammes les églises et maisons religieuses. Ladite armée fit d’infinis dégâts par où elle passait, faisant dépaître blés et foins par les champs sans discrétion, pillant, saccageant et mettant le feu en plusieurs lieux . Aux malheurs de la guerre s’ajoutent souvent les disettes causées par le pillage des récoltes et les intempéries ; de fréquentes épidémies de peste frappent les populations affaiblies.
D’après la tradition locale, cette rencontre aurait eu lieu au hameau de Pourrat, paroisse de Riotord, où ils passèrent la nuit ; se séparant le lendemain, ils se fixèrent rendez-vous à Saint-Etienne, l’amiral passant par Marlhes et Saint-Genest, le roi de Navarre par Dunières, Saint-Romain-Lachalm et Saint-Just-lès-Velay. Pour confirmer ce campement de Coligny et de Henri de Navarre à Pourrat, Jean-Marie Convers, dans des notes conservées aux Archives Départementales de la Haute-Loire (18 J 160) écrit qu’il a eu entre les mains un document dans lequel un des principaux propriétaires du village de Pourrat présenta l’année suivante aux Etats du Velay une requête à l’effet d’obtenir une indemnité pour les vivres qu’il avait fournis à l’armée de l’Amiral évaluée à 600 hommes, ainsi que pour les dégâts et dommages qu’il avait essuyés. Dans cette requête il est dit expressément que les troupes ont campé et séjourné à Pourrat.
Mémoires de Achille Gamon, avocat d’Annonay (1552-1586) publiées par J. Brun-Durand, Valence 1888, p 52.
Les procès-verbaux des visites à Riotord et Clavas , en octobre 1626, de l’Evêque du Puy et Comte de Velay, Monseigneur Just de Serres, offrent quelques informations sur la situation de la paroisse à la sortie des guerres de religions. L’église de l’abbaye de cisterciennes de Clavas avait été cy devant profanée par meurtres en icelle commis et par la ruine et démolition intervenue durant ces troubles et remuemens suscités par les calvinistes en ce royaume… Le cloître n’était plus que cendre et leur église que masure. A Riotord la situation n’est guère plus brillante : église délabrée, autels profanés, objets du culte disparus. Qu’il s’agisse du maître autel ou des autels des différentes chapelles, aucun n’est consacré ny orné ny dotté suffizemment. Même les prêtres semblent avoir perdu foi en leur mission : le curé Antoine Colombet est absent et Monseigneur Just de Serres doit adopter une ordonnance interdisant aux ecclésiastiques de Riotord, sous peine d’excommunication, de continuer à fréquenter les cabarets.
Ce même procès-verbal de visite nous apprend (fol. 174) que ladicte paroisse est composée de neuf cens communiantz ou environ et que le curé d’icelle… jouit des dixmes de ladicte paroisse revenant à six vingtz cestiers annuels sur lesquels le prieur de Sainct Sauveur prend environ quarante six cestiers de pention. Si près de 40 % des dîmes sont reversés au prieur de Saint-Sauveur, nous sommes loin du compte exigé par la transaction de 1476 (120 setiers). On peut supposer que les malheurs du temps n’en permettaient plus une stricte application. En effet, la copie d’une lettre de Hugues et Claude Grangier de Sarcenas nous apprend que la chapelle Notre-Dame de Pitié fondée en 1543, dans l’église de Riotord, par leur aïeul, le prêtre Jean Grangier, … est entièrement ruinée et que les prés donnés
A.D. Loire, CH Ms 613, fol. 171 à 185.
A.D. Haute-Loire, 18 J 308 (copie de Jean-Marie Convers), document non daté mais qu’on peut estimer de la fin du XVIe siècle ou du tout début du XVIIe.
par ladite fondation sont submergés à cause de l’injure des grandes et débordées eaux naguère apaisées diffluantes audit lieu et paroisse de Riotord et autres lieux. D’ailleurs les prêtres de ladite paroisse sont décédés excepté un nommé Messire Jean Foriat, vieux prêtre qui est octogénaire et qui peut à peine dire la messe. En outre, les dits Hugues et Claude Grangier sont devenus si pauvres et souffreteux à cause tant l’invasion des guerres, fréquents logis, guerres et passages des gens de guerre, même des huguenots qui ont brûlé leurs bâtiments, pris et emporté tous les bons meubles, que cherté et stérilité de vivres qui dura des longs temps comme encore fait en ces quartiers qu’ils n’ont moyen aucun de faire exercer le divin service ordonné être fait en ladite chapelle…
Alors que disettes et épidémies sont chroniques, les dîmes pèsent lourdement sur les paroissiens et les curés sont naturellement conduits à réclamer une diminution de la redevance due au prieur de Saint-Sauveur. Ainsi, le curé Antoine Barlet, à la fin du XVIe siècle : E t quoy que ce bail ou arrentement (prévu par la transaction du 23 juillet 1476) n’eut esté faict que pour le temps de la vie dud. Foulhat ou de sa possession de lad. cure ou vicairerie perpétuelle de Riotord, néanmoins par tolérance des prieurs de St Sauveur il y auroit eut continuellement tacite reconduction entre eux et les curés ou vicaires perpétuels de Riotord, lesquels estoient demeurés en jouissance des dismes et autres revenus de cette paroisse moyennant le payement desd. redevances annuelles aux prieurs de St Sauveur. En telle sorte que pour raison de ce estant survenue contestation entre Antoine Portal prieur commendataire de St Sauveur en Rue et Mr Antoine Barlet curé ou vicaire perpétuel de Riotord, par arrêt du 13 mars 1593, led. Barlet a esté condamné au payement et continuation desd. redevances envers led. Portal et sur la diminution par luy requise d’icelles, il aurait esté ordonné que les parties contesteroint plus amplement, ce qui n’aurait point esté faict, les curés ou vicaires perpétuels de Riotord n’ayant pas insisté sur cette prétention de diminution, laquelle il seroit montré n’estre nullement recevable .
A Riotord et dans les paroisses voisines la dîme était fixée à la onzième gerbe de la récolte. Les paysans n’acceptent pas cette quotité qu’ils prétendent excessive et inapplicable à des champs d’une production aussi maigre que les leurs. Mais, opposés à leur curé, la justice leur donne rarement raison. Ainsi contre les habitants de Lhermet, Sarcenas, Bouteyre, Pourrat, la Gergère , les Sétoux et les Mazeaux poursuivis par le curé Jean du Villar, la cour du Sénéchal du Puy, le 10 juin 1616, maintient le curé de Riotord en la possession, jouissance et faculté de prendre et recevoir les dîmes d’une gerbe après dix esdits villages… excepté toutesfois sur les terres pour lesquelles est payé audit curé l’osterendal ou dixme abonné… enjoignant aud. habitants de lad. paroisse de Rioutort de faire toutes les gerbes esgalles pour esviter fraudes .
* Dans le sillage du Concile de Trente, face à la Réforme , l’Eglise catholique oppose sa Contre Réforme. Les jésuites de la Compagnie de Jésus seront le fer de lance de cette reconquête des populations déchristianisées ou passées au protestantisme.
A la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe, plusieurs décisions pontificales vont substituer les Jésuites de la Compagnie de Jésus aux anciens ordres religieux, en particulier aux bénédictins affaiblis et trop en dehors du monde. En 1536 le Cardinal François de Tournon, qui fut abbé commendataire de la Chaise-Dieu , avait fondé un collège à Tournon, collège cédé aux Jésuites dès 1560. Pour assurer les revenus nécessaires à la bonne marche de ce collège les Jésuites obtinrent la cession d’un certain nombre de domaines et prieurés. C’est ainsi qu’en 1607 le
Extrait de la sentence des requêtes du Palais de Paris contre le curé de Riotord Antoine Colombet du 30 juin 1638 – Copies aux Archives Départementales de la Loire (H 26/8) et de la Haute-Loire (3 D 36).
Pape Paul V réunit le prieuré de Saint Sauveur – et donc l’église de Riotord- au collège de Tournon .
En 1618, les Etats du Velay attribuent une somme de 400 livres pour développer les missions rurales : pendant plusieurs jours, des prêtres, spécialement formés à la prédication, confessent les fidèles, organisent messes, prières et prêches. C’est au cours de ces missions que s’illustre le jésuite Jean-François Régis (1597-1640) qui décède à La Louvesc au cours d’une de ses tournées de prédications. Il se serait arrêté à l’abbaye Notre-Dame de Clavas en 1638. Et la croix du Saint Père, près de Ladroit, commune de Riotord, aurait été édifiée en son honneur : lors de ses pérégrinations, il se serait désaltéré à la source qui jaillit à proximité.
La noblesse locale va, à son tour, encourager ces missions. Ainsi, le 16 septembre 1657, Gasparde de la Roue , Dame de Dunières, veuve de feu messire Jacques Despinchal, seigneur de Dunières, Massiac et autres places, signe un contrat de fondation de missions à Dunières et Riotord, alternativement tous les trois ans en commençant par Dunières. Le capital de 1000 livres tournois devait assurer un revenu annuel de 50 livres , soit 150 livres tous les trois ans pour chacune des deux paroisses, revenu qui devait être consacré exclusivement à nourrir, entretenir et salarier les deux prêtres appelés à vaquer aux obligations de la mission. Elle fixait un ordre de préférence pour les prédicateurs : d’abord les pères Jésuites du collège de Lyon, puis ceux des collèges de Tournon et du Puy. Chaque mission devait commencer un mois avant Pâques et se terminer le dimanche de Quasimodo, soit une durée de cinq semaines durant laquelle les missionnaires devraient vaquer à la prédication de la doctrine chrétienne, à entendre les confessions, administrer la sainte communion et vacquer à tous autres et semblables exercices de
Bulle du 19 avril 1607, Cartulaire du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue, notice n° 85, p. 263.
piété au mieux qu’ils pourront . Ces deux pensions furent payées jusqu’à la Révolution , ou à peu près, car d’après un inventaire dressé par les marguilliers en 1775 cette pension était imposée sur un domaine des Quos, paroisse de Dunières et sur le pré proche des planches de Cercenas (paroisse de Riotord), chemin dudit Cercenas à Montfaucon.
Les jésuites vont aussi encourager un nouveau type d’institution apparue au XVIe siècle dans la France méridionale : les confréries de pénitents, lieux de sociabilité où la dévotion populaire trouve son expression collective formalisée par des règlements . Le procès verbal de la visite à Riotord de Monseigneur Just de Serres nous apprend qu’en 1626 une confrérie, dite du Saint Rosaire, existait déjà à Riotord. Celle-ci sera ensuite remplacée par la confrérie de pénitents du Très Saint Sacrement de l’Autel.
Les démêlés avec les Jésuites du Collège de Tournon
Depuis octobre 1607, le prieuré de Saint-Sauveur, et donc l’église de Riotord, dépendent du Collège des Jésuites de Tournon. Si les Jésuites furent les principaux acteurs de la Contre-réforme , ils furent aussi de redoutables gestionnaires, soucieux de rentabiliser leurs bénéfices. Dans un premier temps, face aux demandes de réduction formulées par les différents curés de Riotord, ils vont se contenter d’exiger le paiement intégral de la redevance annuelle antérieurement due au prieuré de Saint-Sauveur.
En mai 1607, Jean du Villar prend possession de la cure de Riotord. Pour obtenir le paiement des dîmes qui lui sont dues il doit, comme nous l’avons déjà vu, intenter plusieurs procès contre certains de ses paroissiens . Mais, profitant du fait que le
A.D. Rhône D 192-6 (Archives des prieurés de Tence et de Dunières unis au Collège de la Trinité de Lyon).
Le Vivarais Lignon , Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France , 2000.
A.D. Haute-Loire, 3 D 36 (10 juin 1616).
patronage de la cure de Riotord est passé des bénédictins aux jésuites, il refuse de verser la pension due par ses prédécesseurs. Par sentence du 12 juillet 1621 , le prieur de Saint-Sauveur obtient du lieutenant de Saint-Ferréol la permission de faire saisir les dîmes de la cure de Riotord pour arrérages de la pension due par Jean du Villar et d’exiger de celui-ci une nouvelle reconnaissance. Suite à cette sentence Jean du Villar, le 13 avril 1622 , fait acte de reconnaissance de la cure de Riotord. Il renonce à faire appel de la sentence ci-dessus et de son bon gré, franche et libre volonté pour luy et ses successeurs à l’advenir, recognoit la cure dudit Saint Jean de Riotord estre de la nomination et patronage du Révérend Père Jean François de Suarès recteur du collège et université de Tournon à raison du prieuré et seigneurie de Saint Sauveur en Rue uni audit collège et université. Il reconnaît aussi que les dixmes, rentes, fonds, revenus, droits et appartenances quelconques d’icelle cure de Riotord appartiennent au susdit prieur sous la pension annuelle et perpétuelle fixée par la transaction du 23 juillet 1476, confirmée par l’arrêt du Parlement de Paris du 13 mars 1593 contre son prédécesseur, le curé André Barlet. Moyennant laquelle pension et prestation annuelle, le susdit prieur a laissé la libre et entière jouissance audit sieur du Villar de ladite cure, dîmes, droits, fruits, fonds et autres appartenances quelconques .
En 1624, Antoine Colombet, chanoine de la Collégiale de Saint Marcellin de Monistrol et aumônier de quartier de la reine Anne d’Autriche, succède à Jean du Villar. Curé commendataire souvent éloigné de Riotord, il passe une procuration, le 23 septembre 1624, par laquelle il charge son prédécesseur Jean du Villar, devenu prieur de Saint Pal de Mons, de luy prendre percevoir et exiger tous et chacun les profits et émoluments appartenant à la cure de Saint Jean de Riotord pour neuf ans. Pendant plusieurs années, Antoine Colombet s’acquitte
A.D. Loire, 1 J 136/1 et H 26/8.
régulièrement des redevances dues au recteur du collège de Tournon. Mais, au terme de la Toussaint 1636, il exige une diminution de la redevance de 116 à 100 setiers de seigle. En janvier 1637, avec un sien beau-frère notaire royal aud. lieu de Riotord par menaces et intimidations… ils auraient empêché le transport des grains qu’était venu mesurer et percevoir un marchand de Saint-Sauveur envoyé par le recteur du collège de Tournon. Ensuite, Antoine Colombet ayant esté necessité de faire voyage, pendant son absence sa maison auroit esté pillée et le blé qui avoit esté mesuré… auroit esté dérobé. L’affaire est jugée par les juges du bailliage de Saint-Ferréol puis par la Cour des requêtes du Parlement de Paris le 30 juin 1638. Le curé Colombet est condamné à payer lesd. redevances aux termes susdits chacun an sans réduction ni diminution d’aucune d’icelles suivant la transaction passée entre les prédécesseurs des parties le 23 juillet 1476 si non, à faute de ce, faire ordonner que led. demandeur (le recteur du collège de Tournon) entrerait en la possession et jouissance des dismes et de tous les autres biens, droits et revenus de lad. cure de Riotord, à la charge de payer audit défendeur et à ses successeurs curés ou vicaires perpétuels dud. Riotord portion congrue suivant les derniers règlements .
Le curé Colombet ayant fait appel de la sentence, les arrérages de la pension dus au collège de Tournon ne sont toujours pas réglés lorsqu’il décède à Paris en avril 1639. Mais son successeur, Claude Dupré, accepte les termes de la sentence et renonce à l’appel par une déclaration faite au Parlement de Paris le 31 janvier 1645 .
Les archives ne contenant pas de documents les concernant, on peut penser que les curés qui se sont succédé jusqu’à la fin du
A.D. Haute-Loire, 3 D 36 et A.D. Loire H 26/8.
XVIIe siècle se sont régulièrement acquitté des redevances dues au collège de Tournon. En général, le curé chargeait un de ses paroissiens de percevoir les dîmes à sa place et, pour ce faire, l’autorisait à passer des contrats d’afferme (ou d’abonnement) qui permettaient de réduire les dîmes à une somme annuelle fixe. Ainsi le 27 juillet 1692, le curé Jean Pauze : Je soussigné ay donné pouvoir par ces présentes à Jean Celle d’affermer les dixmes de la paroisse de Riotord tant en général qu’en particulier, d’en recevoir payement et d’en passer tous acquis que je promets faire valoir et ratifier toutes les fois que j’en seray requis, desquels dixmes comme m’appartenant en qualité de curé de Riotord. Je consens qu’il dispose comme de sa chose propre un pouvoir d’acquitter toutes les charges dudit bénéfice et de se faire subroger au droit de ceux à qui elles seront payées . En général, ces affermes sont conclues pour trois ou six ans et sont payées chaque année à la Saint-Michel (29 septembre). Mais les dîmes se paient mal et les curés sont toujours confrontés à des difficultés de recouvrement.
Après avoir dirigé la paroisse pendant à peine deux ans, Jean-Baptiste Dufournel décède en juin 1694. On peut supposer qu’il a été victime de la peste car les registres paroissiaux signalent une très forte mortalité cette année là. Il est remplacé par Antoine François Tardy de Montravel. Dès son arrivée à Riotord, il adresse une requête au bailliage de Forez, siège de Saint Ferréol, contre les consuls et marguilliers de Riotord afin
Claude Dupré est remplacé en 1671 par André Celle qui restera curé jusqu’en 1685 ou 1686 ; Jean Martel, son successeur ne restera que quelques années à la cure. A Jean Pauze, curé de 1688 à 1692, succèdent Jean-Baptiste Dufournel (1692-1694) puis Antoine François Tardy de Montravel (1694-1728).
Sur la vie mouvementée du curé Jean Pauze, on peut lire Histoire drôlatique du curé Pauze par André Pauze, dans Généalogie et histoire n° 120, décembre 2004 ou, du même auteur, Les Pauze de Saint Genest Malifaux, Saint-Etienne, 1986 (A.D. Loire 11 J 581).
de les voir condamnés à la construction d’une maison curiale et au remboursement des loyers de celle où il est demeuré et demeure encore afin qu’il ne soit plus réduit à cette extrémité de recevoir d’autres religieux et gens de qualité dans une méchante maison de louage ou dans un cabaret . Le 5 avril 1696, le substitut du Procureur du Roy au bailliage de Saint Ferréol condamne les consuls et marguilliers de Riotord à trouver une place pour ladite maison et à la faire construire incessamment à leurs frais et dépens et la rendre logeable pour lui et ses successeurs. En attendant ils seront tenus de payer les loyers de la maison occupée par le demandeur aussi longtemps qu’il la tiendra en louage .
Le 26 juillet 1705, led. Sieur Tardy de Montravel en conséquence des déclarations du Roy du vingt neuvième janvier mil six cens quatre vingt six et trente juin mil six cens quatre vingt dix cède remet et abandonne dès à présent et pour toujours aud. collège de Tournon tous les dimes de lad. paroisse de Riotord en quoi qu’elles consistent, ensemble les fonds dependants de la dite cure qui ne sont point chargés d’obits et fondations et ce à cause de la modicité desd. biens et des greles, gelées et autres accidents qui y arrivent fréquemment, et pour profiter du bénéfice desd. déclarations qui permettent à tous les curés l’obtention de leur portion congrue. Dès le lendemain, le procureur et syndic du collège des pères jésuites de Tournon accepte, au nom du collège, cet acte d’abandonnement des dimes de la paroisse de Riotord… à condition toutefois que led. Sieur de Montravel paye aud. collège les arrerages de la redevance qu’il leur doit à cause des dimes et autres revenus qu’il a perçu de lad. cure et
Depuis l’ordonnance de Blois de 1579, le logement du curé incombe aux paroissiens.
Archives privées M.-C. Grange Reynaud.
s’engage à payer les portions congrues du curé et de son vicaire .
Des arrérages de redevance étant dus au collège de Tournon, on peut penser qu’épidémies et incidents climatiques avaient rendu encore plus difficile le recouvrement des dîmes alors que la déclaration royale du 29 janvier 1686 avait fixé les portions congrues, pour toute l’étendue du royaume, à 300 livres annuelles pour les curés et à 150 livres pour chaque vicaire. Pour bénéficier de cette portion congrue majorée, les curés devaient abandonner aux gros décimateurs les dîmes qu’ils percevaient dans leur paroisse, à l’exception des dîmes novales qui leur sont reconnues de droit. En renonçant aux dîmes de sa paroisse, le curé de Riotord transférait sur le collège de Tournon, non seulement l’hostilité de ses paroissiens à l’égard du décimateur, mais aussi les dépenses à engager pour la célébration du culte, pour l’entretien de l’église et pour l’assistance des pauvres.
Mais la pusillanimité de Tardy de Montravel est contestée par son successeur Paul Alloüès de Lafayette , curé de Riotord de 1728 à 1753. Dès sa nomination, il va s’activer pour tenter de récupérer les dîmes et les fonds abandonnés trop hâtivement par son prédécesseur. Un état présenté en 1729 au bureau ecclésiastique du Puy, par les jésuites du collège de Tournon évalue les revenus de la paroisse de Riotord à 1553 livres tournois, dont 1200 livres tournois de « bled » (300 setiers). Un autre document, établi après 1784, évalue les dîmes de Riotord à
La paroisse de Riotord ne sera pourvue d’un deuxième vicaire qu’à partir de 1735.
Dîmes perçues sur le produit des terres récemment (re)mises en culture.
Pendant ses premières années à la cure de Riotord il signe les actes sous le nom de Alloüès Desgarennes puis, définitivement, sous le nom de Alloüès de Lafayette.
456 setiers . Bien qu’ils n’aient cessé de protester contre la redevance de 116 setiers de seigle et 4 setiers de froment due annuellement à Saint-Sauveur, les curés de Riotord n’étaient donc certainement pas spoliés par les termes de la transaction du 23 juillet 1476 et l’on comprend que Alloüès de Lafayette ait voulu revenir au statu quo ante.
Le 31 mars 1730, une sentence rendue aux requêtes du Palais ordonne que l’universalité des dixmes de la paroisse de Riotord appartiendront aud. Allouès Desgarennes, à la charge des redevances portées en la transaction de quatorze cens soixante et seize ; les jésuites doivent restituer au curé les dîmes par eux perçues depuis la prise de possession dudit curé, à savoir la totalité de celles de 1729 et partie de celles de 1728. Bien entendu, les jésuites font appel et une nouvelle sentence est rendue le 31 août de la même année qui confirme la précédente. Mais contrairement à sa demande, le curé n’est pas maintenu en la jouissance des fonds de la cure de Riotord. Il fait donc appel de cette deuxième sentence. Les deux appels ayant été joints, un arrêt de la Cour de Parlement de Paris, rendu le 27 juin 1736, maintien et garde les jésuites du collège de Tournon auquel est uni le prieuré de Saint sauveur en la possession des dixmes de la paroisse de Saint Jean de Riotord à la charge de payer la portion congrue et fait deffences audit Desgarennes de les y troubler. Néanmoins, les dîmes perçues par le curé de Riotord pendant les années 1730 à 1735 lui demeurent acquises, à charge de payer, pour chacune de ces années, la redevance prévue par la transaction de 1476.
Les jésuites rentrent aussi en la possession des fonds de la cure à l’exception de ceux qui étaient chargés d’obits et
E tat des revenus que le prieuré de St Sauveur percoit tant dans la paroisse de St Sauveur, Riotord, Marlhes, St Genest, Bourg Argental, St Julien Molin Molette et Colombier son annexe pour les années 1782, 1783 et 1784. A .D. Loire, H26/6 – Les évaluations portées sur ce document à usage interne sont certainement plus proches de la réalité que celles de 1729, certainement sous-évaluées, parce que destinées au bureau ecclésiastique du Puy.
fondations. Cette décision, qui prend le contre-pied de la sentence du 31 mars 1730, n’est fondée sur aucun argument de droit et l’on est en droit de penser, comme le curé Louis Pauze quelques années plus tard, que les curés de Riotord furent dépouillés des dixmes en vertu d’un arret bien ou mal obtenu par les cy devants jésuites dont la . faveur était alors sans bornes. Mais peut-être que l’esprit chicanier des différents curés de Riotord ne fut pas non plus étranger à cette décision…
Entrés en possession des dîmes, les jésuites vont se monter plus exigeants envers les paroissiens de Riotord. Pour le soustient du procès qu’ils ont pendant en la cour de nos seigneurs du Parlement de Paris contre les Rds P. jésuites du collège de Tournon… au subject de la dixme, 58 paroissiens tous habitants dudit lieu et paroisse de Riotord composant la plus grande et saine partie de la communauté desdits paroissiens et leurs deux syndics, sont réunis, le 29 mars 1733, à la place publique au devant de l ‘eglize paroissiale sur et environ l’heure de midy issue de messe de paroisse. Ils donnent pouvoir à M. Jean Michel de Vaux, leur procureur au Parlement de Paris, de fa ire preuve tant par titre que par tesmoins que depuis plus de 50 à 60 ans la dixme n’a été perçue que par abonnement sans aucune fixation de quotité .
Certainement pour pouvoir centraliser et stocker les grains des dîmes qui leur sont dus, les jésuites du collège de Tournon acquièrent, le 9 février 1739, un domaine situé près de l’église et du cimetière de Riotord . Bâtiments, jardin et pacages sont affermés mais les jésuites se réservent le second étage des bâtiments et l’usage de l’écurie et de la grange.
Désormais les dépenses à engager pour les réparations de l’église et la fourniture des ornements nécessaires à la
Procès verbal établi par François Veyre, notaire royal de Saint-Sauveur-en-Rue. Copie à l’Association Généalogique de la Loire (43163 DIV.1).
L’édit de juridiction de 1695 fait obligation aux décimateurs de réparer le chœur des églises, laissant aux fidèles le soin de réparer la nef.
célébration du service divin ne seront plus assumées par le curé et la fabrique paroissiale mais passent à la charge du nouveau décimateur : Dès lors les cy devants jésuites Jurent naturellement chargés des réparations du chœur, de fournir des ornements et tout ce qui auparavant était à la charge du curé dans le temps qu’il était décimateur . Ainsi, dès 1738, divers ornements sont donnés par le collège de Tournon aux marguilliers de Riotord : deux chasubles satin, un devant d’autel de cuivre doré avec un Saint Jean au milieu, une croix de cuivre avec un Christ pour l’autel, un missel neuf et un cahier pour la messe des morts, 3 livres pour garnir une nappe d’autel en dentelle et dont les habitants sont fort contans et disent n’avoir eu depuis long temps d’ornements si propres .
La nouvelle situation créée par l’arrêt du 27 juin 1736 va aussi avoir des répercutions sur les décimes dues par la cure de Riotord. Pour les jésuites du collège de Tournon les curés de Riotord n’ont jamais été regardés comme les véritables décimateurs, mais uniquement comme de simples fermiers des dixmes de Riotord, la pention qu’ils payoient aud. prieur (de Saint-Sauveur) n’etoit autre chose que le prix de ladite afferme ; la cure de Riotord est considérée comme une simple annexe du prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue. Par contre, dans le diocèse du Puy, les curés de Riotord, parce qu’ils perçoivent les dîmes de leur paroisse, sont titulaires d’un bénéfice et Riotord est considéré comme un prieuré particulier, uni au prieuré de
Requête du curé Louis Pauze, du 23 mai 1771, au bailliage de Bourg-Argental (AD Loire 1 J 136/1)
Impôt perçu par le roi sur le clergé de France ; dans chaque diocèse des chambres ou bureaux diocésains sont chargés de répartir cet impôt entre les titulaires de bénéfices ecclésiastiques.
Requête des jésuites de Tournon à l’évêque du Puy tendant à n’être plus compris dans le département des décimes du Puy, étant déjà imposés par le diocèse de Vienne, pour Riotord et Marlhes. 30 mai 175 7. A . D. Loire H 26/3.
Saint Sauveur, mais distinct et séparé dans son origine . Dans cette optique depuis l’établissement des décimes, Mr le curé de Riotord a été taxé et cottisé dans tous les roles (du diocèse du Puy) comme décimateur et fruit-prenant de lad. paroisse… Ce n’a été qu’en 1737 que le curé de Riotord, ayant été condamné par arret de l’année précédente de désister de la perception de la dixme de la paroisse, présenta requeste à MM de la chambre ecclésiastique pour etre déchargé de cette taxe et n’etre, à l’avenir, imposé que comme curé à simple portion congrue à laquelle il venait d’etre réduit. Suite à la requête du curé, le bureau diocésain décide de taxer le curé de Riotord sur le pied de sa congrue et de rejetter le surplus de la colle, qu’il était avant l’arrêt en usage de payer, sur les jésuites du collège de Tournon comme . jouissants de cette partie de revenu sujette aux impositions du clergé du diocèse du Puy . Ainsi, à partir de l’année 1739, les décimes dues au diocèse du Puy sur la cure de Riotord sont partagées entre le curé ( 35 livres ) et le collège de Tournon ( 85 livres 15 sols) . Jusqu’à la fin de l’année 1756, les jésuites du collège de Tournon vont accepter de payer au diocèse du Puy leur quote part des décimes de la cure de Riotord. Mais depuis le nouveau département fait sur le tarif de la dernière assemblée generalle du Clergé, les jésuites, trouvant le pied du diocèse du Puy beaucoup plus fort et par conséquent plus onéreux que celuy du diocèse de Vienne, ont prétendu (par leur requête à l’évêque du Puy du 30 mai 1757)
Ainsi, dans le procès-verbal de sa visite à Riotord, le 14 octobre 1626, Just de Serres, évêque du Puy, écrit-il que le curé de Riotord est curé primitif, à scavoir prieur et curé tout ensemble, et qu’i1 jouit des dixmes de ladicte parroisse. A.D. Loire, CH ms 613.
Réponse du sindic du clergé du diocèse du Puy au mémoire et à la requelte présentée à la Chambre Ecclésiastique par le sindic dit collège de Tournon. 6 août 1757 . A . D Loire H 26 3.
E xtraiz des impositions des décimes au diocèse du Puy s ur les curés de Riotord depuis l’année 1710 jusqu’en 1739. Cahier 6 fol. A. D. Loire H 26/3.
devoir etre imposés dans ce diocèse et non dans celuy du Puy au prétexte qu’ils étaient déjà imposés, pour leurs annexes de Riotord et de Marlhes, dans le diocèse de Vienne. Bien entendu, le syndic du clergé du Puy rejette la requête du collège de Tournon. Pour trancher le différend, l’évêque du Puy décide de s’en remettre à l’arbitrage des juges de la Chambre Souveraine du Clergé. Ceux-ci se prononcent, le 7 janvier 1760 , en faveur des jésuites du collège de Tournon, considérant que les annexes des bénéfices ou des communautés demeurent taxées en leurs chefs lieux, si ce n’est qu’elles soient employées séparement aux rolles des décimes ordinaires de quelques diocèses, et qu’elles y ayent été séparément taxées dans le département de 1641 . Le prieuré de Saint-Sauveur a été compris de tous tems aux décimes et autres subventions du Clergé dans les impositions du diocèse de Vienne, non seulement pour tous les fonds qui sont renfermés dans le diocèse mais encore pour tous les autres revenus dépendants dud. prieuré, alors qu’il n’a été imposé au diocèse du Puy qu’à partir de l’année 1739. L ‘augmentation des revenus du prieuré, résultant de l’entrée en possession des dîmes de Riotord, ne peut donc donner lieu à aucune taxe dans le diocèse du Puy.
Les oratoriens et le curé Louis Pauze
En août 1762, le Parlement de Paris ordonne la dissolution de la Compagnie de Jésus. Contraints de se soumettre, les jésuites cessent d’administrer le collège de Tournon en février 1763. Leurs biens sont placés sous séquestre et un administrateur provisoire est nommé au collège de Tournon.
A la cure de Riotord, après le court séjour de Louis Baschier (curé de 1753 à 1760), le nouvel arrivant, Louis Pauze, restera finalement au milieu de ses paroissiens pendant plus d’un demi-
L’assemblée générale du clergé de 1641 avait fait dresser, dans le respect de ce principe, un département général des bénéfices de chaque diocèse.
siècle, de 1760 à 1813. Assisté de ses deux vicaires François Desgrand et Jean Delolme (remplacé en 1786 par Jean Thomas) il va s’intéresser à sa paroisse d’une manière toute particulière, à en juger par les nombreux mémoires écrits de sa main, par ses notes personnelles, par ses registres paroissiaux fort bien tenus et accompagnés parfois de remarques intéressantes. Alors que les relations entre la cure de Riotord et les jésuites avaient fini par se normaliser, la confusion engendrée par leur expulsion et la forte personnalité du curé Pauze vont déclencher de nouvelles difficultés.
Suite à sa visite pastorale à Riotord, le 21 juin 1764, Monseigneur Jean Georges Lefranc de Pompignon, évêque du Puy, avait rendu une ordonnance exigeant que des travaux soient réalisés sur l’église paroissiale et au cimetière, et que soient acquises différentes fournitures en linges, ornements d’église et autres effets nécessaires au service divin . Louis Pauze se rend d’abord à Bourg-Argental pour faire signifier l’ordonnance à M. Maucune, agent du prieuré de Saint-Sauveur, puis, en octobre, il rencontre à Vienne M. Tixier, Directeur des Economats du diocèse de Vienne, qui lui conseille d’adresser une requête à Monseigneur Dejarente, Evêque d’Orléans et Econome des séquestres des bénéfices des maisons des jésuites. Celui-ci va obtenir du Roi Louis XV en son Conseil d’Etat, le 26 juin 1765, l ‘autorisation de financer les réparations et acquisitions nécessaires. Celles-ci feront finalement l’objet d’une adjudication au rabais le 19 août 1765 : Jean Crépet est reçu adjudicataire pour la somme de 1644 livres . Les travaux, suivis personnellement par le curé Pauze, seront réalisés durant les années 1766 et 1767. Mais le curé et ses paroissiens savent profiter de la situation : l’agrandissement du cimetière est réalisé aux dépens du domaine que les jésuites avaient acquis dans le bourg, près de l’église, ayant pour y parvenir reculé le mur du
A.D. Haute-Loire, 18 J 308 copie Convers.
A.D. Haute-Loire, V dépôt cure 77-8.
jardin de voye de fait, ce qui donna lieu à un acte extrajudiciaire qui fut signifié au curé .
Le curé Pauze va aussi s’adresser à Monseigneur Dejarente pour obtenir le remboursement des menues dépenses engagées pour la célébration des offices (cire, huile, pain et vin, blanchissage des aubes et autres linges liturgiques) et les gages d’un clerc. D’après le demandeur, ces dépenses auraient été régulièrement prises en charge par les jésuites jusqu’à leur éviction en 1763. Par lettre du 6 septembre 1766, l ‘évêque d’Orléans lui répond que l’on s’occupe actuellement d’arrangements pour le Collège de Tournon qui ne peuvent être bien éloignés et pour lors vous vous addresserez aux administrateurs de ce Collège qui seront plus à portée de connoitre les égards que vos différentes demandes peuvent mériter . En effet, quelques mois plus tard, par lettres patentes du ler juillet 1767, le Collège de Tournon, et donc le prieuré de Saint-Sauveur, passent à la Congrégation de l’Oratoire de Jésus . Mais les nouveaux administrateurs s’opposent aux prétentions du curé Pauze. Celui-ci s’obstine et obtient, le 2 juin 1772, une sentence du bailliage de Bourg-Argental qui lui donne partiellement satisfaction. Pour remboursement des susdites menues dépenses, le collège de Tournon est condamné à verser annuellement 160 livres aux marguilliers de Riotord. Mais les arrérages ne sont exigés qu’à compter du ler janvier 1768, temps auquel le collège a commencé de jouir de la dime de la paroisse de Riotord .
Mémoire abrégé pour Mr Louis Pauze curé de Riotord contre Mr le Principal du Collège de Tournon , AD Loire, H 26/8.
Créée en France en 1611, cette congrégation s’était orientée vers l’enseignement des adolescents (dès le milieu du XVIIe siècle elle dirigeait 23 collèges), devenant ainsi le principal concurrent des jésuites dans le domaine de l’enseignement.
Entre temps, par un acte du 19 décembre 1770, le curé Pauze avait fait signifier au principal du collège de Tournon son option pour la portion congrue de 500 livres proposée par l’édit royal du 13 mai 1768 . Pour bénéficier de cette portion congrue de 500 livres les curés devaient abandonner aux gros décimateurs toutes les dîmes qu’ils percevaient dans leur paroisse, y compris les dîmes novales. Ils devaient aussi renoncer à exiger du décimateur toute autre contribution, de quelque nature qu’elle soit et ce même aux dépens des revenus de la fabrique. Dans ces conditions, à compter de l’année 1771, la contribution des oratoriens aux menues dépenses de la paroisse de Riotord n’était plus exigible et il semble qu’ils aient renoncé à l’appel intenté contre la décision du 2 juin 1772.
Le même édit du 13 mai 1768 adjugeait aux curés la propriété de tous les fonds dont ils étaient en possession avant 1686 et dont ils avaient continué de jouir depuis cette époque en justifiant qu’ils étaient chargés d’obits et fondations. Les archives départementales de la Loire et de la Haute-Loire conservent deux mémoires et des notes écrits par le curé Louis Pauze exigeant qu’une prairie appelée Lapassa, confisquée par les jésuites du Collège de Tournon en 1736 soit rendue à l’église de Riotord. Cette prairie aurait en effet été donnée, au milieu du XVIIe siècle, par Marcellin Barbier, à la paroisse de Riotord à la charge de faire annuellement au son de la cloche une procession à la Croix de la place dudit Riotord tous les dimanches et fêtes à quatre heures du soir, et ce depuis la fête de la Croix de may, jusqu’à celle du mois de septembre, et de réciter un de pro . fondis pour le repos de l’ame du fondateur. Le titre de cette fondation ne peut être fourni car les jésuites dans
Extrait des registres des insinuations ecclésiastiques du diocèse de Puy, A.D. Loire, H 26112.
A.D. Loire, H 26/4, H 26/8 et A.D. Haute-Loire V dépôt 77-1. Documents non datés mais certainement rédigés entre 1763 et 1776, puisqu’ils s’adressent au principal du Collège de Tournon, administrateur provisoire après le départ des jésuites et avant l’arrivée des oratoriens.
les paroisses dépendantes du prieuré avaient le droit de dépouille et après la mort des curés ils enlevaient non seulement les titres et papiers mais encore les meubles, l’or et l’argent, et généralement tout ce qu’il trouvaient dans la maison curiale… Les jésuites ont joui du droit de dépouille jusqu’à la fin du siècle passé. Alors les curés des paroisses dépendantes dudit prieuré se sindiquèrent et obtinrent au parlement de Paris un arrêt en date du 17 décembre 1680 qui les débouta de leur prétention . Dans ce mémoire les jésuites sont qualifiés de décimateurs avides qui voudroient insensiblement réunir toutes les propriétés à leur bénéfice par voye de fait sans aucun titre, ny qualité .
Certainement à l’initiative du curé Pauze, les syndics des pauvres de la paroisse de Riotord vont aussi tenter une action devant le Parlement de Paris afin que le Collège de Tournon abandonne une partie des dîmes de Riotord aux pauvres de la paroisse. Dans son mémoire en réponse , le R.P. Antoine Louis Vuillet prêtre de la Congrégation de l’Oratoire, Supérieur du Collège et Ecole Royale Militaire de Tournon, fait remarquer que le Prieuré de Saint-Sauveur donne chaque année 180 setiers de bled seigle aux recteurs de l’Hôtel Dieu de St Sauveur pour être par lui répartis aux pauvres de la paroisse et mandement dud. St Sauveur et à ceux des villages de St Meyras, Le Bouchet et Couvent qui se trouvent englobés dans la Seigneurie et font partie de la paroisse de Riotord. Par contre jamais pendant tout le temps que les Curés de Riotord ont joui de la dime, ils n’en n’ont laissé une partie aux pauvres, aussi l’arrêt du Parlement de Paris du 5 juin 1736 en maintenant le Collège dans la possession desd. dimes ne lui
J.-B. Galley dans L’élection de Saint-Etienne à la fin de l’Ancien Régime, 1903, p. 173 évoque ce « droit de dépouille » exercé en 1649 au décès du curé de Saint-Julien-Molin-Molette.
imposat-il d’autre obligation que celle de payer la portion congrue .
Au terme de ce rapide survol des relations entre les curés de Riotord et le prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue, nous pouvons dégager quelques conclusions et formuler un souhait.
Depuis la charte de fondation de 1061, les revenus des églises rattachées à Saint-Sauveur doivent revenir au prieuré. Ces revenus sont essentiellement constitués des dîmes, car les curés desservants conservaient les offrandes et les honoraires et droits casuels payés pour les sacrements ou fondations d’obits. Mais, pour la commodité et facilité de jouissance de ces dîmes les prieurs acceptèrent de les abandonner aux curés desservants contre paiement d’une redevance annuelle. La nature juridique de ce procédé n’est jamais clairement établi. Dans les textes, parfois les dîmes auraient este affermés par bauls viagers ou a certain tems , la redevance due par le curé étant le loyer d’icelle ferme . D’autres fois on trouve les termes d’ assence ou d’ arrentement . Mais au-delà de l’aspect juridique, ce qu’il faut retenir c’est surtout la remarquable pérennité du procédé. Rappelons que les premiers textes du Cartulaire de Saint-Sauveur-en-Rue qui évoquent cette pratique datent de 1276. Et, à Riotord, ce mécanisme a fonctionné jusqu’au début du XVIIIe siècle. Stabilité aussi concernant le montant de la redevance annuelle versée par le curé de Riotord : de 94 setiers de grains en 1325 on est passé à 120 setiers en 1476 (et ce montant ne variera plus jusqu’en 1735, puisque toutes les décisions de justice postérieures à 1476 se référeront à la transaction du 23 juillet 1476). Conclus intuitu personae, ces arrangements devaient être renégociés avec chaque nouveau curé lors de sa prise de possession de la cure. En fait, il y auroit eut continuellement tacite reconduction , bénédictins puis jésuites n’exigeant une nouvelle reconnaissance que lorsqu’un curé contestait le montant de la redevance.
Si cette pratique a perduré aussi longtemps, c’est que les deux parties y trouvaient leur intérêt. Les curés, en dehors des périodes de crises frumentaires, n’étaient certainement pas lésés. S’ils contestèrent souvent le montant de la pension due à Saint-Sauveur, il se trouva un seul curé pour accepter d’échanger la perception des dîmes contre le versement des portions congrues et ses successeurs firent tout leur possible pour revenir au statu quo ante. Pour le prieuré, cette pratique offrait une garantie de recettes régulières, sans avoir à s’occuper de leur recouvrement sur le terrain. Par ailleurs, elle le déchargeait des dépenses occasionnées par l’entretien du choeur de l’église, la célébration du culte, les aumônes aux pauvres de la paroisse…, dépenses supportées par les seuls curés décimateurs.
Dès la fin du XIIIe siècle, nous retrouvons ce procédé de répartition des dîmes dans les autres paroisses dépendantes de Saint-Sauveur-en-Rue. Pour contribuer à l’histoire du prieuré, et donc de cette région du Forez viennois, il serait intéressant de pouvoir élargir cette étude à toutes ces paroisses afin que les historiens des générations futures ne soient plus conduits à écrire, comme Marguerite Gonon et le comte de Neufbourg : Les monographistes locaux les plus ardents à camper leur César ou Louis XIV sont très discrets quant aux dîmes, et l’on croirait qu’il n’y en eut jamais, ou qu’elles sont aussi connues que la grêle.
Marguerite Gonon et comte de Neufbourg, Les dîmes du Forez, t. XV des Chartes du Forez, 1957, p. 12.